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CONTES ET NOUVELLES.

écoulé depuis la soirée où nous avons vu, chez ton père, ce beau jeune homme triste auquel ton père devait céder son étude, et que toi et moi supposions devoir être ton mari ? À propos de lui, il faut que je te parle d’une chose qui m’a bien frappée il y a un an.

Nous déjeunions dans la salle à manger quand il entra tout à coup un grand chien fauve, qui vint s’installer au milieu de nous, et prit de la meilleure grâce quelques friandises que je lui donnai. Il avait l’œil vif et intelligent. Mon père, qui a chassé autrefois, l’admirait en connaisseur, et disait : « C’est un des plus beaux chiens que j’aie vus ; il n’y en a pas en France quatre comme lui ; » lorsque nous entendîmes un coup de sifflet aigu. Le chien laissa un os à demi rongé, se tourna vers la porte, que l’on avait refermée, et, voyant ouverte la fenêtre, qui heureusement n’est qu’à six ou sept pieds du sol, s’élança à travers avec la légèreté d’une biche, et disparut.

» — À qui est ce chien ? demanda mon père au domestique qui nous servait.

» — C’est au marchand de canards.