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CONTES ET NOUVELLES.

duisait dans l’office, cassait les porcelaines et emportait le beurre et le filet de bœuf froid réservé pour le déjeuner. Black avait récemment dévoré une paire de bottes et des harnais. Les portes les plus fortes ne l’arrêtaient pas ; il mangeait les portes pour se mettre en appétit ; jamais la bête du Gévaudan, jamais le sanglier tué par Méléagre ne firent autant de ravages que le pointer de sir John. Il était tellement venu en usage, dans la maison, de lui mettre tout sur le dos, tant on le jugeait capable de tout, que, si un rosbif était trop cuit, le cuisinier disait :

— C’est la faute de Black, contre lequel j’ai été obligé de défendre la crème ; et, pendant ce temps-là, le rôti a brûlé.

Si les petits pois gelaient, si le vin de Bordeaux était trop froid, si le vin de Champagne ne l’était pas assez, si le thé était trop faible ou trop fort, si les bottes de sir John le gênaient, si le dîner n’était pas prêt à l’heure ordinaire, on trouvait toujours moyen d’en attribuer la cause à ce scélérat de Black.

Black recevait de sévères corrections, mais il paraissait peu sensible aux coups de fouet ; car