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CONTES ET NOUVELLES.

Il s’écoula une douzaine d’années. Bouret avait fait fortune ; il était devenu fermier général. Il paraît que c’était une fort bonne place, pourvu qu’on n’eût ni préjugés ni scrupules, et qu’on s’y arrondissait rapidement. On plaisantait alors les fermiers généraux comme, de notre temps, on a plaisanté les fournisseurs. Cela rappelle qu’un jour, dans une maison où se trouvait Voltaire, on vint à raconter des histoires de voleurs ; chacun dit la sienne. Quand ce fut au tour de l’auteur de Candide, il commença :

— Il était une fois un fermier général… Ma foi, j’ai oublié le reste.

Bouret, comme nous l’avons dit, était un homme d’esprit ; il laissa plaisanter d’autant plus volontiers qu’il ne payait pas les plaisanteries. Il amassa six cent mille livres de rente, ce qui aujourd’hui vaudrait plus du double ; et, dans une fête qu’il donna au roi Louis XV, il fit, pour le recevoir, bâtir un pavillon qui lui coûta quatre millions, ce qu’on peut estimer à neuf ou dix, en mettant l’argent au prix où il est de notre temps.

Tout allait au gré de ses désirs. Ses vœux