Page:Karr - Contes et nouvelles, 1867.djvu/162

Cette page a été validée par deux contributeurs.

être redites inutilement à vos enfants dans vingt ans, parce qu’alors seulement vous pourriez les croire et les comprendre. Seulement, vous savez que j’aime mon Anna par-dessus tout. Théodore a aussi quelques raisons de croire à mon amitié ; eh bien, je ne donnerai Anna à Théodore qu’après qu’il sera revenu du voyage de commerce que son patron veut lui faire faire.

C’est, en effet, à propos de ce voyage que Théodore avait eu occasion d’exprimer son mépris des richesses.

Le père d’Anna fut inflexible. Les deux jeunes gens crurent devoir céder à la manie du vieillard, et Théodore s’embarqua.

— Adieu, mon Théodore, dit Anna ; je prierai sans cesse pour toi, non pour que tu reviennes riche, mais pour que tu reviennes constant.

Pendant une assez longue navigation, Théodore eut le temps de songer aux lieux si heureux pour lui qu’il allait voir : l’Orient ! il voyait d’avance ce luxe oriental dont on lui avait tant parlé. Il lui semblait que, rien que d’entrer à Constantinople, on devait être riche ; que le sol devait changer les bottes qui le foulaient en babouches