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le chant commencé d’un oiseau ; la fleur et l’oiseau disparaîtront.

Non, ils ne le doivent pas ; car ce n’est pas, ainsi qu’ils le croient, la rive qui s’est transformée, ce n’est pas l’oiseau qui s’est tu, ce n’est pas la fleur qui s’est fanée : ce sont eux qui ont passé. Le parfum de la fleur, le reste du chant de l’oiseau, il y a derrière eux, vous ; derrière vous, d’autres hommes qui en jouiront un instant, et qui, comme vous, passeront en les regrettant.

Qui pourrait voir avec plaisir un vent précoce secouer la fleur des amandiers, sous prétexte que les fruits en mûriront plus tôt ? Est-ce jamais une bonne chose que les fruits de primeur ?

Il y a peu de temps, dans un cercle d’amis, un homme de trente ans se plaignait de la jeunesse actuelle et trouvait sots et ridicules, en général, les hommes de vingt ans d’aujourd’hui ; comme il allait, à ce sujet, s’entamer une longue discussion, la maîtresse de la maison dit avec infiniment de sens et d’esprit :

— Je vais vous dire précisément depuis quelle