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LES WILLIS.

route que de gagner la maison de sa mère ; de là, il lui devenait facile de s’orienter : la première moitié de sa vie s’était écoulée dans cette partie de la forêt, et pas un sentier, quelque petit qu’il pût être, ne lui en était inconnu. Il fallut passer devant la maison où le père Gulf restait seul avec une vieille servante. C’était encore une belle soirée d’automne, la lueur du soleil couchant éclairait encore obliquement la clairière. Henry soupira et doubla le pas ; il eût marché bien vite, s’il eût pu entendre dans la maison le pauvre vieillard qui veillait la nuit, priait pour son fils et pour sa fille, et disait :

— Henry, Henry, toi qui as tué mes deux enfants, sois maudit, sois maudit !

La forêt était plus silencieuse et plus mystérieuse que jamais ; dans le sentier que suivait Henry, elle devenait à chaque instant plus touffue et plus sombre ; la lune avait peine à glisser de temps en temps un pâle et furtif rayon à travers les branches ; en vain Henry voulait chasser les impressions pénibles qui se réveillaient dans son esprit, en vain il se rappelait sa