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CONTES ET NOUVELLES.

que instant déchirant ses ongles dans la pierre, à chaque instant glissant au-dessus de l’abîme, et se recommandant à Dieu et à son patron.

Mais une pierre se détacha, et attira, en tombant, l’attention du factionnaire. Celui-ci donna l’alarme ; on héla Romain, et on lui tira des coups de fusil dans l’ombre. Un instant après, on entendit dans l’eau la chute d’un corps pesant : les soldats descendirent sur la plage par un détour assez long, mais ils ne virent rien.

Le lendemain, on trouva sur le galet la chemise et le bonnet de laine de Romain ; puis on n’en entendit plus parler. Le rapport du maire au sous-préfet, du sous-préfet au préfet, et du préfet au ministre, constata que Romain était mort, soit qu’il eût reçu un coup de fusil, soit qu’il eût fait un faux pas.

Bérénice se mit en deuil.

Parmi les enfants d’Étretat qui furent enlevés cette fois, il y avait un nommé Samuel Aubry. Il partit en maugréant ; mais, une fois arrivé, il fut soldat comme tout le monde : on le mit dans la cavalerie. Longtemps il ne pouvait s’empêcher de se retenir au pommeau de la selle, à