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la collectivité juge sous la présidence du chef qui, de même que dans tout tribunal germanique primitif, ne peut avoir été chargé que de diriger les débats et de poser des questions ; partout et depuis toujours, chez les Germains, c’est la collectivité qui juge.

Des confédérations de tribus s’étaient constituées depuis le temps de César ; dans quelques-unes, il y avait déjà des rois ; le chef militaire suprême, tout comme chez les Grecs et les Romains, aspirait déjà à la tyrannie et y arrivait parfois. Ces usurpateurs heureux n’étaient en aucune façon des souverains absolus ; mais ils commençaient pourtant à rompre les entraves de l’organisation gentilice. Alors que les esclaves affranchis avaient généra­lement une position subalterne, parce qu’ils ne pouvaient faire partie d’aucune gens, des esclaves favoris accédaient souvent, auprès des nouveaux rois, à un rang, aux richesses et aux honneurs. Il en frît de même après la conquête de l’Empire romain par des chefs militaires devenus rois de vastes pays. Chez les Francs, des esclaves et des affranchis du roi jouèrent un grand rôle, d’abord à la Cour, puis dans l’État ; c’est d’eux que procède en grande partie la noblesse nouvelle. Une institution favorisa l’avènement de la royauté : les suites militaires (Gefolgschaften). Nous avons déjà, vu, chez les Peaux-Rouges d’Amérique, comment, en marge de l’organisa­tion gentilice, se forment des associations privées qui font la guerre pour leur propre compte. Ces associations particulières étaient déjà devenues, chez les Germains, des organisations permanentes. Le chef militaire qui avait acquis un certain renom rassemblait autour de lui une troupe de jeunes gens avides de butin, qui s’engageaient envers lui à la fidélité person­nelle, comme il s’y engageait envers eux. Le chef pourvoyait à leurs besoins, leur donnait des présents, les organisait hiérarchiquement ; ils constituaient une garde du corps et une troupe aguerrie pour les petites expéditions, un corps complet d’officiers pour les expéditions plus grandes. Si faibles que dussent être ces suites militaires (et si faibles qu’elles apparaissent plus tard, par exemple auprès d’Odoacre, en Italie), elles constituaient déjà, cependant, le germe de la ruine pour l’antique liberté populaire, ce qu’elles prouvèrent bien pendant et après les grandes invasions. Car elles favorisèrent, d’une part, l’avènement du pouvoir royal ; mais aussi, comme Tacite le remarque déjà, leur cohésion