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libre, sans que ce mariage fût imputé à méfait ni à honte à celui qui l’épouserait.

Il ne fait point de doute qu’on accorde donc ici à Fecenia, une affranchie, le droit de se marier en dehors de la gens. Et il est non moins certain que le mari pouvait donc donner par testament à sa femme le droit de se remarier après son veuvage en dehors de la gens. Mais en dehors de quelle gens ?

Si la femme devait se marier à l’intérieur de sa gens, comme Mommsen le suppose, elle restait aussi dans cette gens après le mariage. Mais, d’abord, cette prétendue endogamie de la gens est justement ce qu’il faut démontrer. Et, en second lieu, si la femme devait se marier dans la gens, l’homme devait faire de même, naturellement ; sinon, il n’aurait pas trouvé femme. Cela revient donc à dire que l’homme pouvait donner à sa femme par testament un droit qu’il ne possédait pas lui-même pour son propre compte ; nous aboutissions à un non-sens juridique. Mommsen le sent aussi, et c’est pourquoi il présume que,

« pour se marier en dehors du lignage, il fallait, en droit, non seulement le consentement du mari, sous l’autorité duquel la femme était placée, mais encore celui de tous les membres de la gens. » (Page 10 note.)

En premier lieu, c’est là une supposition bien hardie et, en second lieu, elle est en contradiction avec le texte fort clair du passage précité ; le Sénat donne ce droit à Fecenia, en lieu et place du mari ; il ne lui donne expressément ni plus ni moins que son mari aurait pu lui donner lui-même ; mais ce qu’il lui donne est un droit absolu, qui ne dépend d’aucune autre limitation. De sorte que, si elle en fait usage, son nouveau mari, lui non plus, n’aura pas à en souffrir ; le Sénat mande même aux consuls et préteurs présents et futurs de veiller à ce qu’il n’en résulte pour Fecenia aucune iniquité. L’hypothèse de Mommsen semble donc tout à fait inadmissible.

Autre supposition : la femme épousait un homme d’une autre gens, mais restait elle-même dans sa gens d’origine. D’après le passage précité, son mari aurait donc eu le droit de permettre à la femme de se marier en dehors de sa propre gens à elle. Autrement dit, il aurait eu le droit de prendre des dispositions dans les affaires d’une gens dont il ne faisait pas partie. La chose est si absurde qu’il est inutile de perdre là-dessus un mot de plus.

Il ne reste donc qu’une hypothèse : la femme aurait épousé en premières noces un homme d’une autre gens, et du fait même