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KARL MARX ET FRIEDRICH ENGELS

CORRESPONDANCE

MARX À P. ANNENKOV[1]


Bruxelles, le 28 décembre 1846.

Vous auriez reçu depuis longtemps ma réponse à votre lettre du 1er novembre, si mon libraire n’avait pas tardé jusqu’à la semaine passée à m’envoyer le livre de M. Proudhon : Philosophie de la misère. Je l’ai parcouru en deux jours, pour pouvoir vous communiquer tout de suite mon opinion. Comme j’ai lu le livre très rapidement, je ne peux pas entrer dans les détails, je ne peux vous parler que de l’impression générale qu’il a produite sur moi. Si vous le demandez, je pourrai entrer en détail dans une seconde lettre.

Je vous avouerai franchement, que je trouve le livre en général mauvais et très mauvais. Vous-même plaisantez dans votre lettre « sur le coin de la philosophie allemande » dont M. Proudhon fait parade dans cet œuvre informe et présomptueux, mais vous supposez que le développement économique n’a pas été infecté par le poison philosophique. Aussi suis-je très éloigné d’imputer les fautes du développement économique à la philosophie de M. Proudhon. M. Proudhon ne vous donne pas une fausse critique de l’économie politique parce qu’il est possesseur d’une philosophie ridicule, mais il vous donne une philosophie ridicule parce qu’il n’a pas compris l’état social actuel dans son engrènement, pour user d’un mot, que M. Proudhon emprunte à Fourier, comme beaucoup d’autres choses.

Pourquoi M. Proudhon parle-t-il de dieu, de la raison univer-

  1. Écrit par Marx en français.