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promet de faire entrer dans les mœurs, dans la législation, dans la condition morale et matérielle des femmes du peuple, dans l’éducation de l’un et de l’autre sexe. Mais ces dames ont tort de vouloir se jeter de leurs personnes dans le mouvement. On ne leur conteste point le droit de lire, de penser, de raisonner et d’écrire ; mais quel que soit l’avenir, nos mœurs et nos habitudes se prêtent peu à voir les femmes haranguant les hommes et quittant leurs enfants pour s’absorber dans les clubs.

Je ne vois point que dans l’état actuel des choses, les femmes doivent être si pressées de prendre une part directe à la vie politique. Il n’est point prouvé qu’elles y apportent un élément de haute sagesse et de dignité bien entendue ; car si une grande partie des hommes est inexpérimentée encore dans l’exercice de cette vie nouvelle où nous entrons, une plus grande partie des femmes est exposée à cette inexpérience, et l’essai compliquerait d’une manière fâcheuse les embarras de la situation.

Il ne nous est point prouvé d’ailleurs que l’avenir doive transformer la femme à ce point que son rôle dans la société soit identique à celui de l’homme. Il nous semble que les dames socialistes confondent l’égalité avec l’identité, erreur qu’il faut leur pardonner ; car, en ce qui les concerne eux-mêmes, les hommes tombent souvent dans cette confusion d’idées. L’homme et la femme peuvent remplir des fonctions différentes sans que la femme soit tenue pour cela dans un état d’infériorité. Nous n’avons point trouvé jusqu’ici la prétention de ces dames assez significative pour qu’il soit nécessaire de les contrarier en la discutant. Si elle se formulait d’une manière plus sérieuse, nous consacrerions un travail particulier à l’examen de leurs droits et de leurs devoirs dans le présent et dans l’avenir. »

Il est curieux de noter dans la Lettre et dans la page précitées que George Sand y parle à plusieurs reprises avec une certaine ironie des dames socialistes, ce qui porta probablement M. Monin à nier catégoriquement son « socialisme » ou son « communisme » à elle. Or, George Sand était très consciente de sa solidarité morale avec les républicains socialistes, qualifiés de « communistes » en 1848, comme le lecteur l’a déjà pu voir et comme il le verra encore. Cette expression de son article doit donc être comprise dans le sens de reniement formel de toute participation à quelque parti ou coterie socialiste, parce que George Sand tenait à n’être enrôlée sous aucune bannière, à n’appartenir à aucune secte (qu’elle opposait à une