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son devoir, a tâché de corriger le vice, a toujours dit la vérité ; s’il a aimé le roi c’est parce que le roi était bon, il l’a employé à châtier sa cour et l’a défendue, simple petit roturier, contre les grands auxquels il s’attaquait. Puis, fatigué, Molière s’endort. Des nuages l’enveloppent et quand ils se dissipent apparaît la Muse (Rachel), entourée des ombres des grands poètes, antiques et modernes : Eschyle, Sophocle, Euripide, Plante, Térence, Shakespeare, Voltaire, Rousseau, Beaumarchais, Marivaux, etc. Chacun d’eux, selon son genre et sa nature, prédit la victoire définitive de la vérité, de la justice et de la tolérance sur les abus, les vices et les iniquités des siècles passés. (Par exemple : Voltaire dit : « J’ai fait une grande révolution, mais Rousseau en a fait une seconde. » — Celle de 1848, la sociale, et démocratique, s’entend !) Puis la Muse proclame en belles et sonores paroles que les maux et les erreurs d’autrefois sont vaincus, que la raison triomphe, que les temps de la vengeance sont révolus et qu’à présent, les poètes des temps nouveaux, en continuant l’œuvre de leurs grands prédécesseurs, créeront aussi un art nouveau « qui va naître au souffle de la liberté ». La vision disparaît. Laforêt vient réveiller Molière, lui dit que le roi attend toujours et conseille de regarder dans la salle. Molière s’approche de la rampe en priant Laforêt de ne point l’éveiller, parce qu’il rêve encore, et, en rêvant, il « voit bien le roi ; mais il ne s’appelle plus Louis XIV, il s’appelle le peuple, le peuple souverain… Ce souverain est grand aussi, plus grand que tous les rois, parce qu’il est bon, parce qu’il n’a pas d’intérêt à tromper, parce qu’au lieu de courtisans, il a des frères…, etc. » Et Molière s’adresse à ce peuple en disant :

« Messieurs !… »

« Il faut dire citoyens à cette heure » ! — lui souffle Laforêt. Et Molière invite les « citoyens » à franchir très souvent les portes du théâtre de la République, qui leur sont « toutes grandes ouvertes ».

Il n’y a pas à dire, quel que soit le « souverain » du moment,