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du Conservatoire, puis Roger chanta à leur tête une cantate de Mme Viardot sur des paroles de René Dupont, la Jeune République[1], et le tout fut clos par la Marseillaise, mélodie déclamée par Rachel, que l’orchestre accompagnait en sourdine[2]. Mais George Sand s’occupa bien moins de la représentation, que de ceux à qui on la donnait, des spectateurs populaires. Lorsqu’on ordonna ces représentations gratuites, il y eut certaines voix qui s’écrièrent : « Margaritas ante porcos ! Ces spectateurs « barbares » ne sauront apprécier ni le jeu de Rachel, ni les œuvres de Molière et de Racine ; les possesseurs loqueteux des billets s’empresseront de les revendre, et préféreront naturellement un dîner à une représentation, » etc. Tels devaient être les discours qui précédèrent ces représentations, à en juger par le ton mi-polémique, mi-enthousiaste dont George Sand relate qu’il n’y eut que fort peu de billets revendus, qu’on ne comptait pas plus de cinquante messieurs dans la salle, que, du commencement jusqu’à la fin de l’opéra et de la tragédie, chaque mot des acteurs et chaque son de musique fut écouté dans un « silence religieux », qu’il « n’y eut dans les loges ni pelure de pomme, ni d’orange » ; que ces prétendus barbares qui, disait-on, ne valaient pas la peine qu’on jouât devant eux des chefs-

  1. Nous avons vu que c’est à George Sand qu’était due l’idée de demander la nouvelle Marseillaise à Mme Viardot et l’autre à Rachel.
    L’Intermédiaire des chercheurs et curieux de 1874 contenait l’indication que c’est encore George Sand qui avait donné l’idée de frapper une médaille de la République et avait conseillé à un artiste de s’inspirer des poses de Rachel chantant la Marseillaise. Les citations que les collaborateurs de l’Intermédiaire des chercheurs et curieux donnent à l’appui de cette assertion ne sont toutefois pas de George Sand, mais présentent des passages assez inexacts de deux pages de Daniel Stem (t. II, p. 311-312). Or, l’acharnement qu’y met Stem à critiquer ces poses de Rachel et son air belliqueux et farouche, ainsi que la critique extrême que Daniel Stem fait de toutes les statues et médailles présentées aux deux concours ordonnés par Ledru-Rollin, nous prouvent, comme toujours, qu’il dut y avoir de l’influence de Mme Sand dans tout cela. Effectivement, le programme que le ministre avait fait communiquer aux artistes et qui fut publié dans l’Artiste du 9 avril, n’est que l’extrait d’une lettre de George Sand à Clésinger. Quant à la statue projetée du Champ-de-Mars, c’est encore elle qui la fit commander à ce sculpteur. Elle écrit à son fils, le 28 avril (la lettre est inédite, et écrite la nuit des élections à Paris) : « Solange se porte comme le Pont-Neuf ; son mari, grâce à moi, fait la statue du Champ-de Mars. »
  2. V. Daniel Stern, t. II, p. 309-310.