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Voilà, je crois, notre devoir tout tracé, relativement aux droits du passé…

Trois jours avant l’apparition du n° 2 de la Cause du Peuple le 13 avril, parut le Bulletin n° 15, et la veille, le 15 avril, le Bulletin n° 16. Tous les deux répètent à satiété le conseil de n’élire que de vrais républicains.

Le n° 15 déclare simplement et catégoriquement :

… Il importe que chaque citoyen, se recueillant en lui-même, soit pénétré de la grandeur du devoir qu’il va remplir… les députés ne doivent plus être les hommes d’affaires de leur département, mais les interprètes de la volonté souveraine de la France. Il faut donc les chercher parmi les hommes doués au plus haut degré de qualités généreuses et de nobles sentiments…

Pour être député, ce n’est point assez d’être honnête, il faut être républicain sans réserve et sans arrière-pensée…

Puis, nous lisons dans ce Bulletin des lignes qui semblent tirées de la lettre de Mme Sand à propos de Michel de Bourges :

… Vous entendrez beaucoup de candidats célébrer la chaleur et la sincérité de leurs opinions ; mais si déjà vous les avez vus, engagés dans la carrière politique, accepter comme chefs et comme maîtres les hommes que nous avons renversés, défiez-vous de leur changement subit, et avant de les exposer à l’épreuve périlleuse de l’Assemblée nationale, laissez-les affermir dans la vie privée leur prompte et miraculeuse conversion… Or, celui-là qui défendait sous la monarchie les principes mis en poussière par la Révolution, ne peut obéir à un sentiment d’abnégation. Il cède au vain désir d’associer son nom à un grand fait historique, peut-être à l’amour des distinctions et du pouvoir. Mais la pensée du sacrifice est loin de son cœur. Il ne voit dans la députation qu’un piédestal ou un moyen de fortune.

De tels hommes compromettraient bien vite l’Assemblée en la conduisant dans des voies hostiles aux intérêts de la nation… Cette assemblée doit incessamment travailler à fonder solidement l’édifice de la société démocratique. Elle doit porter une main hardie sur les institutions oppressives et condamnées, ne reculer devant aucune des conséquences de la révolution, entraîner le pays par la grandeur de ses résolutions, et, s’il le faut, briser sans ménagement toutes les résistances. Le salut de la France est à ce prix. Quiconque n’est pas convaincu que la République ne peut pas périr ne sera qu’un député dangereux. Il sera disposé aux transactions et aux demi-mesures, et