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rière eux marchaient, en rangs serrés, les vrais gas du Berry, cornemuseux et vielleux, jouant de leurs antiques instruments. Ds portaient tous de longues blouses bleues brodées de blanc au col et aux épaules, des foulards rouges autour du cou, de grands nœuds tricolores sur la poitrine et sur leurs chapeaux à bords. Jouant sans s’arrêter d’anciennes marches et bourrées, ils entrèrent majestueusement dans la maison, traversèrent le vestibule, la grande salle à manger, sortirent par l’autre porte sur la terrasse, au jardin, contournèrent le potager, passèrent par la petite porte ouverte du cimetière et revinrent de nouveau dans la cour. Une énorme foule de Lachâtrais, de tous les âges, de toutes les classes, de toutes les positions sociales les suivait, solennellement, en un profond silence. Il est impossible de rendre l’impression produite par le passage muet, solennel et pieux — oui, pieux ! — de cette énorme foule.

Puis les musiciens se groupèrent et on les photographia. Toujours fidèles à leur consigne, lentement, posément, jouant toujours leurs gais airs berrichons, ils s’en allèrent comme ils étaient venus. Mais la foule affluait et affluait encore, elle se répandait par les allées du parc, dans les appartements du château, admirait le vieux salon Louis XV aux murs ornés des portraits des aïeux de George Sand, de ceux de ses enfants et petits-enfants, et remplis de meubles et d’objets qui lui avaient appartenu, à elle, ainsi qu’à sa grand’mère, Marie-Aurore de Saxe. Après on montait le grand escalier de pierre, en hémicycle, éclairé d’mi œil-de-bœuf, on longeait de longs couloirs à plancher briqueté, pour arriver à deux chambres : le cabinet de travail et la bibliothèque de George Sand, où la châtelaine de Nohant, Mme Gabrielle Sand, avait exposé dans des vitrines une foule de précieuses reliques : le moulage de la main de George Sand et son ombrelle, et un bracelet qu’elle portait toujours, fait avec les cheveux de ses enfants, et ses dessins, et ses découpures de fleurs et de plantes, faites à la main, d’une finesse inouïe, et des marionnettes habillées par elle, et encore une quantité de toutes sortes d’ouvrages et d’objets à elle. Ensuite, la foule redescendait, visitait la salle de théâtre, où avait joué toute la