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sa note finale : le doux Angélus après une dure journée de labeur et de douleur, n’en aurait été que plus profonde, et plus puissant aurait vibré le ton général de la pièce : la profonde pitié pour le sort tragique de ceux qui peinent sans trêve et l’enthousiaste glorification du travail !

Le 10 juillet, de grand matin, nous tous amis et proches de la famille Sand qui, depuis quelques jours déjà, étions réunis sous le toit hospitalier de Nohant et y jouissions du calme et de la fraîcheur de ses ombrages, ainsi que tous les académiciens, artistes et littérateurs arrivés la veille de Paris (il y avait M. André Theuriet, M. et Mme Marcel Prévost, M. et Mme Rocheblave, Me Félix Decori, le vieil acteur Sully-Lévy, Mme Séverine, et d’autres encore), nous fûmes réveillés par des pétards et des coups de fusil. À peine avaient-ils cessé que j’entendis V Angélus ; cette fois le doux son venait du clocher de la rustique petite église de Nohant située à deux pas du château. Il fallait se lever, le curé ayant prévenu la veille que la messe pour « la bonne dame de Nohant » — c’est ainsi qu’on appelle ici la grande George Sand — serait dite à 7 heures… L’église est pleine de paroissiens, et surtout de paroissiennes venues du bourg de Nohant et des environs ; presque toutes portent le blanc petit bonnet carré, quelques-unes sont enveloppées de leurs capelines ou capuches. Nous ne sommes pas nombreux, nous qui sommes venus prier avec ces bonnes âmes : l’heure est matinale, et, de plus, presque tous les hôtes de Nohant sont des « libres penseurs » et croient bien sûr que leur présence à l’église serait en désaccord avec leurs opinions. Mais ici, à cette messe solennelle pour le repos de l’âme de la « bonne dame », il importe peu de savoir si elle avait été célèbre ou non, si elle avait appartenu à tel ou tel parti, on ne se souvient que du bien qu’elle avait fait tout autour… Comment donc ne pas prier pour elle ?… Et de nouveau il me semble que c’est juste et bien que l’église soit pleine de ces simples femmes à bonnets blanc, de noir vêtues, et que nous ne soyons que trois ou quatre parmi elles : un abbé de Paris, admirateur des œuvres de George Sand, homme d’un rare esprit ; un autre admirateur encore, capitaine d’artillerie de Poitiers ;