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recouvert d’un drap mortuaire à croix d’argent. Je crois qu’il y avait aussi un bénitier. Lorsque je m’approchai, la cour était presque remplie de paysannes recouvertes de leur capuchon et je crois en avoir vu plusieurs asperger la bière d’eau bénite. Marie Caillaud se trouvait à la gauche du corps, tenant dans une de ses mains de petits rameaux verts, non de buis, mais de laurier, et en donnant un brin à tous ceux qui s’approchaient[1]. Entre midi et demi et une heure le corps fut enlevé et porté à bras dans la petite église par des paysans vêtus d’un sarrau bleu, précédés du prêtre, homme encore jeune, à la physionomie commune et peu intelligente, ayant derrière lui un vieillard en blouse (le père Carnat) qui tenait un cierge et psalmodiait. Le prince Napoléon tenait d’une main un des cordons du poêle, et de l’autre une des petites branches de laurier. Le convoi entra dans la modeste église, mais comme elle était déjà presque remplie par des paysannes, ceux qui suivaient ne purent s’y placer, et refluant du dehors, vinrent se mêler aux imités, aux curieux, aux paysans à quelques ouvriers de La Châtre et de Châteauroux qui se trouvaient sur la place, tête nue par la pluie et le vent. Il y avait en tout environ deux cents personnes Nous remarquâmes l’absence de Marchai, de Duquesnel (le directeur de l’Odéon), de Hetzel et de Charles-Edmond Choiecki (du Temps), le fait est que ce sont tous les quatre de prodigieux égoïstes.

La pluie ne cessait de tomber. On entendait de la place les chants et le service religieux qui ne dura pas longtemps. Les cloches sonnèrent. Sans attendre la sortie j’allai au cimetière, le caveau était béant. Commencé seulement la veille, il était à peine terminé. Le constructeur et des paysans en admiraient la solidité et le ciment. C’est une simple voûte en briques, construite au milieu du terrain réservé et dont le sommet ne dépasse pas le niveau du sol[2] ; à la gauche de l’entrée dudi caveau, cachées sous des broussailles, sont côte à côte les dalles qui recouvrent les restes du père et de la grand’mère de Mme Sand. Sa mère est enterrée à Paris, je crois[3]. Une de ces tombes s’étend un peu sous le mur qui sépare la cour du château du cimetière. Un très bel arbre, espèce de cyprès, couvre toutes ces tombes de ses rameaux. La porte de communication pratiquée dans le mur mitoyen et qui est de fraîche date était ouverte.

Vers les une heure la procession funèbre précédée d’un enfant de

  1. C’est près de la tombe ouverte que Marie Caillaud distribuait ces brins de laurier pour les jeter sur le cercueil comme un dernier adieu. Ce fut là une idée de Mme Lina Sand. — W. K.
  2. M. Harrisse a dessiné sur une feuille de papier la coupe de cette voûte en briques dépassant à peine le sol et il nous a donné ce dessin, alors qu’il nous raconta de vive voix les funérailles de George Sand.
  3. Elle avait été enterrée au Père-Lachaise, maintenant (1924) son corps est transporté dans ce même cimetière de Nohant.