Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T4.djvu/577

Cette page n’a pas encore été corrigée

politiques. Je l’ai dit tout à l’heure, je maintiens le mot brutal : la politique n’est plus de nos jours que l’art de parvenir. J’ai pour elle le plus profond mépris qui soit jamais entré dans une âme humaine…

Puis, revenant aux opinions d’un ami, un très grand esprit — c’est-à-dire à celles de Flaubert — qui lui reproche de ne pas sentir assez vivement le principe de la justice, elle proteste contre l’idée de pouvoir

par des moyens légaux assurer le règne de l’intelligence au nom de la justice qui veut le pouvoir entre les mains des plus capables.

…Je nie que la loi ait mission d’imposer ses moyens. Si l’Etat doit prononcer la valeur des individus, nous voici en pleine théocratie. L’État punissant le crime et récompensant la vertu, ce n’est plus le règne des lois, c’est la dictature, c’est la terreur, c’est un homme ou un groupe d’hommes décidant de ce qui est mai et de ce qui est bien à sou point de vue, imposant ses croyances, décrétant un culte de sa façon ou s’opposant avec violence à toute espèce de culte ; c’est la Commune de 1791 ou celle de 1871. C’est aussi la royauté de droit divin mettant à mort les hérétiques. C’est enfin la suppression absolue de l’État, c’est-à-dire de la base des sociétés et de ce qui constitue le droit de tous et le droit de chacun.

En passant, George Sand rejette également la doctrine de Louis Blanc, « utopie de jeunesse que j’ai partagée et je ne m’en repens certes pas », exigeant de la paît des capacités « les devoirs plus étendus qu’au vulgaire ».

L’État ne peut obliger personne à faire le bien. L’État n’est pas une personne meilleure et plus sage qu’une autre ; c’est un contrat qui doit prévoir tous les cas d’empiétement des droits réciproques et il ne faut pas que sous le titre honorable de devoir, le droit de chacun dépasse le droit de tout autre, quel qu’il soit.

George Sand arrive donc à conclure ceci :

Laissons faire le droit naturel ; c’est bien assez, car l’inégalité de fait est monstrueuse et repose principalement sur l’inégalité de l’éducation. L’État doit décréter l’éducation gratuite, je ne dirai pas tout à fait obligatoire, mais inévitable. L’État, qui consacre la hberté absolue pour le travail matériel, ne peut refuser à l’homme les moyens d’acquérir l’emploi de ses facultés intellectuelles, ce serait lui enlever l’exercice d’un droit naturel. L’État a pleinement mission de nous rendre tous propres à devenir égaux en fait, mais il ne peut faire que