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la tête du gouvernement, au nom de Ledru-Rollin et du sien propre que Louis Blanc s’adressa à Mme Sand (avec laquelle il avait beaucoup correspondu, en l’hiver de 1847-48).

Mais M. Monin remarque en toute justesse que quel que fût l’intermédiaire entre George Sand et le gouvernement provisoire, l’important est que ce fut « tout le gouvernement provisoire, modérés, radicaux et socialistes, qui a officiellement accepté sa collaboration ».

Or, la calomnie ne manqua pas de trouver là encore sa pâture ; Jules Favre prétendit, plus tard, que George Sand fut payée par le gouvernement provisoire. Et lorsque dans les cercles réactionnaires se propagèrent sciemment des fables sur le luxe effréné, « les repas de Lucullus » et le train magnifique des membres du gouvernement provisoire, ces fables s’étendirent à George Sand : beaucoup crurent que se trouvant au faîte du pouvoir, elle puisait à pleines mains l’or et les honneurs, et que sa vie à Paris ne fut qu’une série ininterrompue de triomphes. Son cousin René de Villeneuve le crut aussi, et elle l’en dissuada par les lignes suivantes, empreintes d’une souriante bonhomie :

Ces récits sont romans d’un bout à l’autre. Mes triomphes à Paris ont consisté à vivre dans une mansarde de cent écus par an, à dîner pour trente sous, à payer mes dettes et à travailler gratis pour la République. Voilà les honneurs, les profits et les grandeurs que j’ai brigués jusqu’à ce jour. Aimez-moi, je le mérite toujours et je vous aime toujours…[1].

Elle écrit encore à Poncy sur le même sujet :

Pour mon compte, je vous assure que, physiquement même, je ne m’aperçois pas que la pauvreté soit un malheur. Il est vrai que ma pauvreté est relative et que ce n’est pas la misère. Mais enfin, j’ai changé un appartement de trois mille francs pour un appartement de trois cents, et la même diminution s’est opérée dans tous les détails de mon existence matérielle. Or, je ne comprends pas que cela soit

  1. La correspondance inédite de George Sand avec René de Villeneuve et sa famille, comprenant 89 lettres, existe ; quelques lettres seulement ont paru dans le Figaro, 16 janvier 1881.