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lui était impossible d’admettre qu’elle lui infligeât ici cette humiliation.

Mme Sand, ajoute Mme Adam, après avoir transcrit ces mots, m’avait parlé plus d’une fois de sa fille. Elle souffrait cruellement de sa conduite. Le pire est que des questions d’argent étaient parfois mêlées à ses liaisons. Mme Sand qui était rien moins que riche, ayant toujours tout donné et si peu gardé, lui faisait une rente de 6 000 francs pour qu’elle n’ait pas le prétexte de la pauvreté pour commettre certains actes. J’ai plusieurs fois rencontré Mme Clésinger. Elle est grande, très belle personne, avec des traits masculins ; elle ne peut passer inaperçue tant elle frappe par quelque chose de personnel, d’original, de particulier. Elle a beaucoup d’esprit, trop cru, dit-on. L’intelligence éclate dans sa physionomie et la hardiesse dans ses yeux… Après sa séparation, Solange, qui n’avait jamais été bonne, était devenue mauvaise.

Chaque fois qu’elle arrivait à Nohant, me disait Mme Sand, il ne lui fallait pas huit jours pour nous rendre à tous la vie impossible. Elle entre-croisait de façon si perfide et si habile ses dénonciations de chacun à chacun que l’on finissait par se détester sans pouvoir en trouver une raison majeure. Jusqu’aux coqs devenaient plus batailleurs, jusqu’aux chiens étaient plus hargneux durant le séjour de Solange…

Cela fait que le 12 janvier 1868 George Sand écrivit à Mme Adam qu’outre le grand froid et le désir de ne point abandonner seule à Nohant sa Lina (qui attendait alors la venue de son troisième[1] enfant, Gabrielle), il y avait encore une raison spéciale qui retardait le voyage aux Bruyères :

« … Il y a quelqu’un à Cannes (une personne qui me touche de près) et près de qui je n’aime pas à me trouver en province. Vous me comprenez. J’attends donc qu’elle parte, que chez moi on se porte bien et que moi-même je sois en état de partir sans maux d’entrailles, chose très grave pour moi. Tout cela n’est pas ma faute et mon désir d’aller à vous n’est pas moins vif, au contraire. J’irai, mais fixer le jour est encore impossible. J’ai fort à faire à Paris et je ne puis m’y rendre…

… La personne dont je vous parlais m’a écrit pis que pendre sur votre climat, sur votre habitation perchée dans les airs, etc. N’allez pas croire que je me soucie de cela. S’il fait froid aussi dans le Midi — et je

  1. Mme Adam par erreur dit dans son livre que c’était le « second » enfant de Maurice et Lina ; elle oublie sans doute le petit Marc-Antoine.