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Ces supports très curieux sont des tiges de fer avec un bouchon au bout, ce qui fait que la moindre chiquenaude de Maurice les agite et que lorsqu’il y a un grand nombre de personnages en scène tous ont l’air d’écouter et de tressaillir au besoin à un récit.

Dans certaines pièces militaires, Maurice met en ligne avec un art de perspective inimaginable, des milliers d’hommes qui manœuvrent. Quant à la pluie, à l’orage, c’est à s’y méprendre, et la réalité en est complète, il tonne, des éclairs sillonnent la scène, l’eau tombe.

Ces centaines de marionnettes, on voudrait les nommer toutes, car toutes, à un moment, on les a aimées ou détestées. Il y a des traditions pour plusieurs. Ainsi les entrées en scène du facteur sont toujours désopilantes. Dans les moments les plus dramatiques, il raconte ses peines de cœur. Et Bassinet, le garde champêtre ! Et Purpurin, et le comte des Andouilliers et Mlle Eloa ! Et Chalumeau, et Friturin : quelle pléiade de comiques ! Et la comédie italienne au complet, et Bamboula, la négresse, Rosalie, la femme de chambre qu’on retrouve sans cesse, le colonel Vertébral, la comtesse de Bombricoulant. J’en oublie la moitié ; qu’elles me pardonnent ! Les trucs du théâtre des marionnettes de Maurice Sand ont étonné tous les directeurs des plus grandes scènes de Paris.

Tous les hivers, ou plutôt au commencement du printemps, Mme Sand allait à Paris pour voir ses amis aux célèbres dîners Magny ou pour placer une pièce nouvelle. On trouve dans le Journal des Goncourt ainsi que dans le livre de Mme Adam pas mal de croquis pleins de coloris, dépeignant l’apparition de Mme Sand à ces dîners, sa sauvagerie et son air dépaysé au milieu de tous ces écrivains naturalistes et gens de lettres par excellence[1], ses idées et ses discours ressemblant si peu à ce qui s’y disait, lorsqu’elle ouvrait la bouche, et son silence au milieu d’eux, le plus souvent. Ils notent même ses toilettes : un jour Mme Sand apparut au dîner Magny en robe « fleurs de pêcher, une toilette, je crois bien, tout en l’honneur de Flaubert », comme le remarquent les Goncourt avec malice[2].

Presque tous les ans Mme Sand entreprenait quelque petit voyage. C’est ainsi qu’en 1866 elle alla, comme nous l’avons vu, « courir avec ses enfants » en Bretagne, pour peindre sur nature des esquisses pour Cadio. Avant cette excursion et après,

  1. Voir surtout la page 21 du troisième volume du Journal des Goncourt.
  2. Journal des Goncourt, t. III, p. 51, 21 mai 1866.