Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T4.djvu/524

Cette page n’a pas encore été corrigée

s’efforce d’empêcher sa femme vicieuse de se perdre complètement. En apprenant que son mari sait tout, blessée dans sa fierté, incapable de supporter les remords de sa conscience et la jalousie provoquée par le mariage de son amant avec une jeune villageoise, la Vanina, elle meurt désespérée.

Si Monsieur Sylvestre résout la question du bonheur, le Dernier amour répond à celle-ci : Comment venger l’amour trahi ? Par l’amitié et l’oubli, c’est le pire des châtiments pour le coupable.

Rien dans ce roman, ni le développement du sujet, ni la façon de le traiter, ni le ton général lui-même, ni le sentiment qui le pénètre, ne rappelle Monsieur Sylvestre, ou la manière même des œuvres de George Sand. La précision réaliste de la donnée générale, la puissante peinture du caractère de l’héroïne : nature basse, mais point traitée en « traître de mélodrame » ; la manière dont est campé son amant italien : volage, calculateur, passionné et rusé ; son frère, honnête mais borné ; l’éveil de la jalousie, les soupçons croissants de M. Sylvestre, si crédule d’abord, puis forcé d’ouvrir les yeux, tout cela produit une impression toute moderne. Si ce roman n’était pas signé George Sand, nous ne pourrions dire quel fut son auteur. Il est dédié : à mon ami Gustave Flaubert. Ce fait, le perpétuel commerce et échange d’idées avec l’auteur de Madame Bovary, explique peut-être ce changement très prononcé dans la manière littéraire de George Sand. Il faut toutefois noter que dans Monsieur Sylvestre, déjà, on pouvait lire le passage que voici, très curieux sous la plume de George Sand :

Laissez-moi l’inconnu. Ce mot ne blesse pas ma raison, et il n’enlève pas toute lueur de poésie à mon cerveau. Voilà aussi pourquoi je ne cède pas encore au désir de me promener aux rares heures on le soleil me convie. J’ai peur de découvrir dans ce vallon charmant des détails laids ou ridicules, et de ne pouvoir les oublier, quand je me reporterai à la vue de l’ensemble. Je reconnais que ce n’est point là une idée conforme à ma théorie réaliste. Il faudrait tout accepter dans la nature comme dans la vie, ne rien dédaigner, et savoir peindre l’horreur d’une voirie avec autant de plaisir — le plaisir de la conscience satisfaite — que la suavité d’un jardin rempli de fleurs.