Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T4.djvu/49

Cette page n’a pas encore été corrigée

en agissant en faveur des députés les plus radicaux… en éloignant les douteux. Puis, elle décida de mettre son travail littéraire et son talent au service du mouvement politique, en publiant et en éditant des brochures diverses et son propre journal exclusivement politique. Elle décida, de plus, de prendre une part active aux faits et gestes du gouvernement provisoire ; c’est donc en trois directions qu’elle se mit d’emblée à travailler.

Pour atteindre le premier but proposé, elle écrivit de Nohant, en dehors des lettres à Poncy et à d’autres amis, une lettre au ministre de l’Instruction publique sur la nécessité d’envoyer en province d’énergiques et sûrs agents qui secoureraient l’inerte et obscure populace, contrecarreraient les éléments réactionnaires et aideraient à faire élire des députés désirables.

… C’est moi qui ai eu cette idée d’envoyer des ouvriers faire de la propagande dans les départements, — inscrit George Sand sur une feuille de son Journal à la date du 31 mars, en racontant une entrevue entre Ledru-Rollin et des ouvriers qu’elle lui avait présentés, Gilland et Leneveux à la tête. — Je me suis d’abord adressée au ministère de l’Instruction publique, dans les attributions duquel serait naturellement rentrée cette fonction d’instituteur des masses. Ma lettre écrite de Nohant[1] a été communiquée au gouvernement provisoire, qui l’acceptait d’abord. Mais Carnot ne s’en est plus occupé. Ni lui, ni J. Reynaud, ni Charton, ne connaissent les bons ouvriers de Paris. Après plusieurs jours de prédication de ma part, l’idée a enfin pénétré la « volumineuse » de ce bon Ledru-Rollin. Il s’est mis à l’œuvre avec son entrain et son étourderie habituels ; il a cent mille francs à consacrer à cette œuvre. Bien entamée, elle amènera, j’en suis sûre, d’excellents résultats. Mais que de fautes il va faire ! et s’il envoie, comme il est fort à craindre, d’après les premiers choix, de médiocres sujets, des parleurs, des braillards, des hommes violents, manquant de tact et d’intelligence, il donnera une très fâcheuse opinion des ouvriers de Paris et le mal sera plus grand qu’avant cette démarche. Il paraît sentir la vérité de cette observation ; mais, dans l’action, les bonnes intentions souvent s’évanouissent !…

La veille de quitter Nohant, George Sand y organisa, le dimanche 19 mars, une petite fête patriotique : celle de la procla-

  1. Mme Sand répète ainsi ce qu’elle dit, à propos de ces commissaires, dans la lettre à son fils datée du 25 mars, écrite à sa rentrée à Paris.