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peu allongée. Je vais avoir beaucoup à faire. Je ne vous écrirai ces jours-ci que quelques petits bulletins.

Paris, 2 mars 1864.

Troisième de Villemer aussi nombreuse, aussi excellente que les deux autres, le succès est lancé, constaté, assuré ; une cabale ne ferait plus que du bien si elle se montrait à présent. Le public payant commence à trouver place. Le premier jour on n’a fait que 700 francs grâce aux entrées de faveur, aux ministères et aux amis ; le deuxième jour 1 200, aujourd’hui 3 000, demain il y a déjà 4 000 à la location ; c’est un chiffre inouï pour le pauvre Odéon, et il y a déjà pour samedi et lundi 6 000 francs de location.

Aussi il n’y a plus de place même pour moi. Manceau qui n’est pas gros se fourre dans le violon d’Ancessy, mais moi je suis libre d’entrer dans les coulisses. J’y ai passé la soirée à écouter rugir et crouler la salle. Je vais courir un peu demain pour échapper aux visites, aux lettres, aux cartes, aux bouquets. Tout le monde est charmant dans le succès. C’est toujours comme ça. Le prince est venu aujourd’hui. Il est dans un enthousiasme indescriptible. Il dit que c’est la plus belle chose qui ait été faite eu ce siècle, excusez du peu…

Paris, 3 mai-s 1864.

Ce soir 4 300 francs de recette à l’Odéon, c’est fabuleux, pas une entrée de faveur, pas même à moi. Nous aidons donc affaire au publie payant, libre de toute influence, et nous n’avons pas eu moins de rappels, pas moins de bravos, pas moins d’interruptions enthousiastes. Les claqueurs sont impuissants à régler les répliques à effet. La salle part comme un seul homme, à chaque instant, et des larmes et une attention magnifique. Et tout cela c’est eu haut, en bas et au milieu de la salle. Il y avait tant de beau monde que les équipages tenaient de l’Odéon au boulevard Sébastopol et que pour rentrer chez moi il m’a fallu faire un grand tour. Ça n’empêchait pas les dernières loges du centre d’être pleines, jusqu’à celles de côté où on ne voit absolument rien, et pleines de gens payants. L’impératrice m’a envoyé aujourd’hui Bon secrétaire des commandements pour me complimenter.

La pièce est jouée de mieux en mieux, et si elle se soutenait comme ça, Larounat y ferait sa fortune. Mais à l’Odéon il faut encore s’estimer heureux quand on fera une moyenne de 1 500 francs…

… Je me lève à 9 heures demain pour être chez Nadar à 11 ; j’ai été le voir aujourd’hui. Il recommencera mon portrait jusqu’à ce qu’il le réussisse[1]… On imprime aujourd’hui le premier acte de Villemer.

  1. > Nadar, célèbre photographe, qui avait fait en 1864 seize portraits de