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à tête une demi-journée. Bonsoir, mes chers enfants, je vous embrasse mille et mille fois. Amitiés de Manceau et de tous,

G. S.
À Lina.
Paris, 14 janvier 1864.

Mes chers enfants, excellent succès de Marceline, c’est-à-dire Une journée à Dresde. Pas l’ombre d’un murmure, d’une critique, d’une malveillance quelconque dans le public, et des salves d’applaudissements à toutes les tirades, des larmes, de l’attendrissement continuel. Ensuite grand succès littéraire dans les foyers et satisfaction complète sur toute la ligne. Camille Doucet n’en tarissait pas. Le prince et la princesse avec son monde avaient loué la loge des auteurs, bien que nous ne les eussions prévenus de rien. Si bien que Manceau n’ayant plus de place, était un vrai cheval de trompette dans l’orchestre des musiciens, et pas ému du tout. Le prince l’y a guigné, l’a appelé dans la loge par-dessus les têtes, en bon bourgeois, et l’a comblé de compliments. Il m’a cherché ensuite dans les couloirs, mais j’avais quitté ma baignoire et je cherchais Manceau sur le théâtre, sans quoi le prince se fût trouvé nez à nez dans ma loge avec Popotte[1]. J’ai vu Marchal[2], Dumas et ses dames, les dames Fleury que je n’ai pu joindre, Arrault[3], Gautier de loin, et tout le ban et l’arrière-ban de la critique, qui, ces jours-là, remplit le vaste Odéon. Le personnel du théâtre était enchanté du succès, car, avec les étudiants, les premières

  1. Sobriquet de Mme Arnould-Plessy. Nous avons déjà dit plus haut comment Mme Sand sut la consoler et la soutenir dans la terrible épreuve de sa vie lorsque le même prince Jérôme la trahit d’une manière aussi grossière que cynique. On connaît trop cet épisode pour que nous ayons besoin d’en parler encore. (Voir entre autres Mes sentiments et nos idées avant 1870, de Mme Adam, p. 280-281,)
  2. Célèbre peintre et dessinateur, grand ami de Dumas fils, de Manceau et de Mme Sand. Elle l’appelle dans l’une de ces lettres à Dumas : « Mon joli petit colibri Marchal, » par dérision, Marchai étant énorme. En 1861 il avait fait un portrait de Mme Sand. (V. plus haut p. 406.)
  3. Henri Arrault fut, encore avant Dunant, le premier promoteur de l’idée de secourir les blessés au champ de bataille, c’est-à-dire le vrai créateur de la Croix-Rouge. La lettre de Mme Sand à Arrault, dans laquelle elle souligne ce fait ; la primauté de cette idée revenant à Anault et non pas à Dunant, fut publiée en 1865 dans l’Opinion nationale. C’est à Arrault aussi que se rapporte une autre lettre de M. Sand intitulée À propos du choléra et imprimée dans l’Avenir national. Mme Sand y fait appel à tous les gens de bien de s’empresser de venir en aide à une autre entreprise d’Arrault, soit en lui envoyant de l’argent, soit des vêtements, afin qu’il puisse secourir les familles des morts du choléra, bonne œuvre que cet excellent homme avait entreprise lors de l’épidémie de 1865.