Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T4.djvu/465

Cette page n’a pas encore été corrigée

ment de la nature, toujours jeune, il ne s’apaise jamais, il se précipite toujours en avant, il entraîne par son enthousiasme, par le feu inextinguible qui brûle dans sa poitrine. Cette fois-ci, il a pris pour sujet Shakespeare et il emporte le lecteur par l’admiration naïve et sans bornes qu’il professe pour le génie.

Le génie est une entité comme la nature, et veut, comme elle, être accepté purement et simplement… et quant à moi, j’admire tout, comme une brute, dit-il.

Cette ravissante Lettre d’un voyageur dont le sous-titre est Impressions de lecture et de printemps, commence par quelques mots adressés à Manceau :

Tu veux savoir l’emploi de mes quatre journées de voyage. Ce n’est pas long, le récit d’un voyageur qui ne voyage plus, et le mien pourrait se résumer en quatre mots : j’ai fait douze lieues en lisant, j’ai écouté chanter un oiseau, j’ai vu couler la Creuse, j’ai dormi à Gargilesse, j’ai herborisé un peu, je suis revenu par le même chemin, lisant le même livre. J’ai fait halte sous le même arbre où chantait le même oiseau…

… Je suis donc parti ce matin, mercredi, par un temps magnifique, dans la petite voiture ouverte que traînent les deux petits chevaux blancs conduits par le pacifique Sylvain, et j’ai ouvert le livre…

Et alors commence une analyse, merveilleuse de finesse, de toutes ses observations de la nature, des choses, gens et bêtes rencontrés en voyage, ainsi que de toutes ses observations faites sur elle-même, sur le dédoublement de sa raison qui, simultanément, est entraînée par la lecture d’un livre extraordinaire du grand poète, et examine minutieusement le monde ambiant.

À la fin de cette Lettre, George Sand signale que, revenue à la maison, elle apprend avec ébahissement que le banquet en l’honneur de l’anniversaire du troisième centenaire de Shakespeare est interdit par la police de Paris.

J’apprends, en arrivant, qu’on a empêché les gens de lettres, les théâtres et les artistes de Paris de célébrer l’anniversaire de Shakespeare. Qui a fait cela ? Pour plaire à qui ? Par crainte de quoi ? Qui en a eu l’idée ? Qui l’a permis ?… Est-ce parce que Shakespeare est protestant ? Ce doit être cela. L’année prochaine, il sera défendu de fêter