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au talent et à la bonne foi de l’auteur de Sibylle ; cette préface paraîtra du reste[1].

Mais j’ai déjà oublié Mademoiselle La Quininie et j’ai ce nouveau projet qui m’enchante, comme tout ce qui ne s’est pas encore heurté aux difficultés de l’exécution. Si je pouvais en causer avec vous, cela me ferait un bien immense. Il est quelquefois étouffant de se trouver en face de sa propre responsabilité…

Le « nouveau projet » auquel George Sand fait allusion dans les lignes précédentes, était le projet d’écrire un roman dont le héros fût « un fils de Jean-Jacques », l’un de ses enfants abandonnés, élevé aux Enfants trouvés. L’action du roman devait se passer pendant la grande Révolution et ce fils de Rousseau devait être spectateur et acteur des événements dont son père était l’auteur moral. Ce fils de Jean-Jacques aurait hérité des traits moraux, des aspirations, des tendances et du génie de son père, sans son talent littéraire ; il penserait et il sentirait comme aurait senti et pensé Rousseau, s’il était témoin des événements arrivés après sa mort. Selon l’idée de George Sand ce « fils » aurait été profondément malheureux en voyant à quelles horreurs sanguinaires aidaient abouti les grandes idées libératrices et humanitaires de son « père », le grand Jean-Jacques, dégénérées entre les mains des hommes de partis à vue basse, en doctrines extrêmes[2].

Si Rousseau « avait pu voir ce que l’on a regardé comme l’application du Contrat social », eût-il décliné son livre, abjuré sa croyance ? Non, mais il se fût voilé la face devant l’échafaud et il eût dit : « Voilà le contraire de ce que j’ai voulu. » Ce qui me frappe et me contriste quand je fis les beaux livres de mes amis sur la Révolution[3], c’est

  1. Cette préface parut dans la première édition de Mademoiselle La Quintinie en volume et se réimprime depuis lors à la tête du roman.
    Deux lettres de Mme Sand à Octave Feuillet se rapportant à une autre œuvre célèbre de l’auteur de Sibylle : le Roman d’un jeune homme pauvre, sont publiées dans le livre de Mme Octave Feuillet, Quelques années de ma vie. (Paris, 1894), p. 213-216.
  2. Voir les lettres de Mme Sand du 8, 16 et 23 juin 1863 dans le volume des Lettres de George Sand à Musset et à Sainte-Beuve, que nous avons déjà cité plusieurs fois et que nous citerons encore.
  3. Nous avons dit ailleurs (dans notre vol. III, chap. vii) qu’en 1865 George Sand publia dans l’Avenir national un article consacré aux derniers