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un accès d’enthousiasme, le jeune peintre brise l’Antonia qu’il venait de peindre pour son oncle. Cette peinture lui avait presque fait regagner le cœur de ce dernier.

Tout est perdu. Antoine Thierry chasse sa belle-sœur et son neveu de la maison qu’ils habitent. La marquise ne voulant pas être la cause de la ruine de celui qu’elle aime feint de le repousser et se retire au couvent. Un autre neveu, un jeune robin. Marcel Thierry, s’efforce en vain d’amadouer son oncle. Chacun fait assaut de désintéressement et de noblesse d’âme. Soudain tout est changé. Revenue à Paris, la marquise accorde à son amoureux un rendez-vous criminel, résolue à se noyer après. Son amant la sauve, le procureur déjoue les ruses de son oncle et arrange tout pour le bien général. L’Antonia a fleuri de nouveau. Antoine Thierry baptise la fleur du nom de la marquise, puis, en oncle de comédie, il consent au mariage de son neveu et lègue au jeune couple toute sa fortune.

Tout cela serait simplement ennuyeux, n’étaient les caractères des personnages secondaires, finement tracés et maintenus : par exemple Marcel Thierry, robin du dix-huitième siècle, sournois et peu enclin aux finesses sentimentales ; puis, quelques traits — assez caricaturés — de l’oncle ; mais surtout la peinture, pleine de détails typiques de ce que George Sand représentait avec un charme et une vérité de ton et de couleur incomparables : la vie et les hommes du grand monde de la fin du dix-huitième siècle. La marquise Antoinette, sa famille, son amie, sa soubrette, leurs propos, leurs manières, leurs attifages et falbalas, leurs propos, tout cela est frappant de pénétration dans l’esprit de l’époque et extraordinaire comme science et savoir. Si la vieille Mme Dupin de Francueil, née de Saxe, avait pu ressusciter et lire Antonia, elle aurait certes beaucoup reconnu de ce qui l’avait entourée jadis, ou de ce qu’elle avait raconté à sa petite-fille. La belle-mère de Casimir Dudevant, la méchante, sèche et revêche baronne Dudevant, aurait aussi pu — avec bien moins de plaisir ! — se reconnaître sous les traits de la belle-mère du feu mari de la marquise : à l’instar de la baronne _ Dudevant, celle-ci tâchait, par amour de l’art, de faire toutes les