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pour comprendre que c’est dans le salon de son aïeule, Marie-Aurore de Saxe, ou au château de son cousin René de Villeneuve, ou encore dans les familles de ses amies de couvent, Mlles de La Rochejaquelein, de Grammont, de Wismes, que la future George Sand entendit de semblables entretiens, et certainement pas dans l’appartement bourgeois de sa mère, ni chez ses amis politiques et littéraires de la dernière période de sa vie. Et ce langage, toutes les allures de la vieille dame sont rendus avec un art incomparable, ils lui donnent ce je ne sais quoi qui la distingue d’une quantité de personnages de romans. Malgré tous ses travers, ses façons d’être singulières, — sa personnalité humaine, son âme demeurent visibles, et nous ressentons pour cette curieuse représentante d’un monde suranné un sentiment de chaude sympathie, de même que toutes les sorties étranges et les brusqueries du vieux prince Bolkonsky dans la Guerre et la Paix de Tolstoï, ne peuvent nous cacher sa vraie âme, grande et belle, et ne nous empêchent pas de l’aimer avec passion. La vivacité, l’activité extrême de son esprit et même sa mondanité expliquent la préférence de la marquise pour son fils aîné, le duc d’Aléria, né d’un premier mariage. Celui-ci est le type du viveur charmant, du mauvais sujet adoré des femmes. Par contre, son frère Urbain, est le type de l’amoureux vertueux, morne et discoureur, souvent ennuyeux. Ces deux hommes se croient un moment rivaux : tous deux aiment Caroline, mais non du même amour, et cette passion est le point culminant de l’œuvre. Or, le duc d’Aléria, ce fils prodigue, est cher à sa mère comme au lecteur ; ce dernier comprend parfaitement que Diane de Xaintrailles préfère ce brillant et spirituel quadragénaire à son jeune frère vertueux. De plus, le duc trahit par maint trait ses ancêtres espagnols remontant au grand Cid, et sa vieille noblesse française. Ces doubles traits de race lui donnent beaucoup de relief.

Quant aux héros principaux, Urbain et Caroline, nous ne pouvons rien en dire : ils nous laissent indifférents et froids, malgré toutes leurs vertus, ou à cause de cet excès de vertus.

Par contre, la vive, décidée et un peu audacieuse Diane tra-