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plus que les croyants du Nouveau Testament ». Nous dirons bientôt qui était ce représentant d’Israël.

En 1860, la même année où fut écrit Valvèdre, parut un roman, qui, s’il n’eut pas autant d’éclat que les premières œuvres de George Sand, lui attira néanmoins de nouveau les sympathies générales et devint l’un de ses livres les plus aimés et toujours relus. Ce fut le célèbre Marquis de Villemer.

Hélas ! au risque d’encourir l’anathème de tous les fidèles sandistes, nous devons confesser que nous ne partageons pas cet engouement ; sans parler des premiers romans de George Sand, nous trouvons même parmi ses toutes dernières créations des œuvres qui nous attirent infiniment plus par la profondeur de la pensée et la vivacité du récit. Nous qui n’étions pas nés lorsque Villemer éveilla cette admiration unanime, nous trouvons son exposition à la fois naïve et froide. Cette histoire d’une « pauvre mais noble » lectrice qui gagne le cœur du mélancolique fils cadet d’une vieille douairière nous parait peu intéressante, et son dénouement rappelle singulièrement les vertueuses et touchantes nouvelles anglaises des journaux pour adolescents.

Nous devons avouer pourtant que peu de romans se lisent avec autant de plaisir que la première partie de Villemer ; peu de types littéraires restent aussi nettement gravés dans la mémoire que celui de cette vieille marquise, du duc d’Aléria, de Mme d’Arglade, de la vieille duchesse de Dunières, de l’alerte et résolue Diane de Xaintrailles. Tous ces personnages sont des types tracés magistralement, avec vigueur et en même temps avec un fini merveilleux, avec cette science à saisir les détails caractéristiques qui est le propre des grands maîtres de l’art. Or, parmi tous les représentants de l’ancien faubourg Saint-Germain que l’auteur de la Marquise savait si bien portraiturer, il faut donner la palme à la marquise de Villemer. Quel curieux être humain que cette vieille dame qui sait avec tant de simplicité, par point d’honneur, payer les dettes de son fils, et accepter avec tant de philosophie sa ruine, tout en ne pouvant se résoudre à monter dans une voiture de louage ! Il n’y a qu’à lire une page des conversations entre la marquise et Caroline ou avec ses fils