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vons à ce propos les lignes suivantes, très intéressantes pour nous :

… J’ai tant manqué à mes espérances, que je ne veux plus fixer de but à mes courses.

Celle que je méditais l’hiver dernier s’est résolue en quelques jours d’avril dans la forêt de Fontainebleau, une des plus belles choses du monde, il est vrai, mais si près de Paris, qu’on n’appelle même pas cela une promenade. J’aspire pourtant toujours à l’absence. L’absence pour moi, c’est le petit coin où je me reposerais de toute affaire, de tout souci, de toute relation ennuyeuse, de tout tracas domestique, de toute responsabilité de ma propre existence. C’est ce que j’avais trouvé l’autre année, à Frascati pendant trois semaines, et à la Spezzia pendant huit jours. C’est là ce que je demande au bon Dieu de retrouver pendant six mois quelque part, sous un ciel doux et dans une nature pittoresque ; rêve bien modeste, mais qui passe devant moi dix ans de suite sans se laisser attraper…

L’année suivante, en 1857, Mme Sand réussit à « attraper » son rêve et à réaliser son éternelle aspiration, vivre dans une « maison déserte » ou dans une « chaumière »[1].

À la fin de juin de cette année Mme Sand s’en vint avec Manceau et avec le naturaliste M. Depuiset faire une petite excursion aux bords de la Creuse ; elle la refit au commencement de juillet — après le départ de M. Depuiset pour Paris et le retour de Maurice, — avec ce dernier et avec l’actrice Bérangère qui passa, cet été, quelques semaines à Nohant.

Lors de ces deux excursions Mme Sand se prit d’amour pour le petit village de Gargilesse situé au bord de la petite rivière du même nom, confluent de la Creuse, dans une vallée profonde, protégée de tous côtés par des montagnes. Les environs de Gargilesse attiraient Mme Sand par leur pittoresque et par la richesse de leur flore et faune. On y attrapait souvent des spécimens rares de papillons et d’autres insectes qui ne se rencontrent qu’au Midi de la France ou en Algérie, ce qui s’explique par la tempé-

  1. Remarquons qu’en 1856 parut dans le Magasin pittoresque un article anonyme intitulé la Maison déserte, dont George Sand se reconnut plus tard l’auteur. C’est ainsi que pendant plus de vingt ans George Sand resta fidèle à cette passion pour une maison déserte, rêve fait déjà en 1835-36. ( Voir notre vol. II, p. 249-250.)