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de grands sentiments, mais vaniteux, superficiel et veule.

Nous rencontrons, plus sympathique et mieux dessiné, ce même type d’actrice sans frein dans ses entraînements, passionnée, emportée, mais au fond bonne et charitable en la personne de la Mozzeli dans le roman de Constance Verrier. La Mozzeli raconte son existence orageuse à ses deux amies, dont Tune est bourgeoise, Constance Verrier, jeune fille pleine de foi dans la vie, et l’autre — grande dame, la duchesse d’Évreux, beauté glaciale et sceptique se livrant en secret à toutes ses fantaisies amoureuses, ne croyant plus à l’amour, désenchantée par les épreuves de sa vie conjugale, portant le masque hypocrite de la vertu, mais se contentant d’en sauver les apparences. La Mozzeli et la duchesse médisent également de l’amour et des hommes, dont toutes les deux ont souffert, tandis que Constance glorifie l’amour fidèle et éternel, parce qu’elle a un fiancé qu’elle aime et dont elle est aimée depuis de longues années déjà. Il se trouve que la Mozzeli et la duchesse ont été toutes les deux, dans la même quinzaine, les maîtresses du fiancé de Constance. Celui-ci, malgré cela, prétend n’avoir jamais cessé d’aimer la jeune fille, mais ses voyages et la durée de ses fiançailles l’ont empêché d’observer une complète abstinence. Constance est sur le point de mourir de désespoir, puis finalement elle pardonne et épouse son infidèle Raoul… L’histoire est assez dégoûtante et, grâce à d’interminables discussions sur l’amour, extrêmement ennuyeuse. Il n’y a d’intéressant que le portrait de la Mozzeli, sûrement peint d’après nature, car il rappelle par maint trait et maint détail Marie Dorval, et celui de la duchesse, dont les théories de l’amour sont évidemment transcrites d’après les discours entendus de la bouche de la glaciale Solange et de la sceptique comtesse d’Agoult. Il est très curieux de noter aussi que toutes ces dames se rencontrent dans le salon d’une certaine Mme Ortolani (lisez : Marliani) qui, elle aussi, est peinte sur le vif. Donc dans Constance Verrier nous rencontrons de nouveau un type entrevu dans le milieu cabotin, ce qui est naturel, car ce roman fut écrit à l’époque du plus grand engouement de George Sand pour le théâtre, en 1859.