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intéressée à l’histoire de cette contrée, elle créa immédiatement dans son imagination ce canevas d’un « roman suédois » et elle se mit à en développer les détails. Le 20 novembre 1857 elle écrit déjà à Charles Edmond :


Cher ami,

Avant de vous parler d’affaires, je veux vous dire que je me suis enfin mise, ces jours-ci, à lire votre relation du grand voyage, et que, sans aucun compliment ni prévention d’amitié, j’en ai été ravie. J’avais peur d’entamer le gros volume et de le laisser en chemin. Aussi je n’ai pas voulu seulement l’ouvrir avant d’être sûre que je n’aurais plus une comédie de trois actes à faire toutes les semaines pour le théâtre de Nohant. Je suis tranquille à présent et je vous suis à travers les banquises…

Je vas vous suivre en Suède, où, précisément, j’ai posé mon nouveau roman. J’ai feuilleté un peu, avant de lire bien, cette partie du livre. Je vois que vous n’avez pas été en Dalécarlie, où j’ai planté ma tente en imagination. Dites-moi si vous connaissez en français, en italien ou en anglais (je ne sais pas d’autre langue), un ouvrage sur cette partie de la Suède, et un peu de détails sur son histoire au dix-huitième siècle, sous Frédéric Adolphe, le mari d’Ulrique de Prusse. Vous me feriez bien plaisir de me le prêter. Ou indiquez-moi quelque chose que je puisse lire sur ce pays et cette époque ; ou enfin faites-moi un petit précis de quelques pages, si vous avez cela dans la mémoire…

Parlons d’affaires ; ce sera bientôt fait. Vous prendrez le temps qu’il vous faudra pour la publication nouvelle ; vous me donnerez seulement quelque argent si je viens à en avoir besoin, en échange du manuscrit. Voici le titre sauf votre avis : Christian Waldo. Vous me direz que Waldo n’est pas un nom suédois ; c’est possible, mais c’est là justement l’histoire. Ce nom intrigue, même celui qui le porte. Annoncez, si vous voulez, que le roman se passe au dix-huitième siècle, afin qu’on ne croie pas qu’il s’agit de quelque parent de Pierre Waldo, le chef des Vaudois. Ou bien encore, le roman peut s’appeler, si vous croyez le titre plus alléchant : le Château des Étoiles. C’est un Stelleborg de fantaisie qu’un personnage s’est bâti en Dalécarlie, à l’imitation de celui d’Uranienborg dans l’île du Haven[1]. Dans ce château,

  1. Bien certainement qu’après avoir pris connaissance des livres envoyés par Choïecki, George Sand vit nue « Stelleborg « était un nom bon tout au plus pour le théâtre des marionnettes de Nohant, qu’en suédois « Stelleborg » ne signifie rien, qu’il aurait fallu dire Stierneborg pour Château des Étoiles — mot qui écorcherait les oreilles françaises — et en rejetant son premier titre, elle intitula son roman l’Homme de Neige. À ce propos il