déclarait que la romancière vivant à la campagne et entourée d’une cohue de flatteurs et de parasites qui la poussaient par leur adoration outrée à l’oubli complet de toute mesure et de toute critique de soi, était arrivée au comble de l’orgueil ; il prétendait que dans sa préface aux Vacances de Pandolphe, George Sand avait appelé Gustave Planche « le seul critique sérieux de ce temps-ci », parce que lui seul avait apprécié le Mariage de Victorine et qu’à présent, dans son Démon du foyer, elle se permettait de dire des choses vraiment impossibles : c’est ainsi par exemple, qu’elle appelait tous les critiques « des gazetiers », tous ses confrères les journalistes « des chenapans », tous les directeurs de théâtre « des suborneurs », et qu’elle avait offensé cruellement tous les représentants de la presse par les deux phrases que son prince prononçait dans le premier et le deuxième acte.
George Sand releva le gant et répondit dans la Presse du 10 septembre 1852 par une longue lettre, dans laquelle elle soutenait son droit de faire parler à chacun de ses personnages, les fats, les chenapans et les vauriens, un langage et de leur faire dire des choses qui, justement, les peignent comme des fats sans pudeur, des chenapans sans principes et des vauriens sans savoir, incapables d’apprécier eux-mêmes et les autres. En même temps George Sand prouvait que le devoir de la critique honnête était de ne pas prendre toutes ces sorties pour des opinions propres de l’auteur, et de comprendre que les sots et les vauriens, en vertu même de leur défaut, jugent les autres tout de travers. Au début de cette lettre Mme Sand signalait à Jules Lecomte avec grande dignité combien il était indécent pour un critique de parler de la vie intime d’un auteur vivant, aux secrets duquel il n’était pas initié : il parle de choses qu’il ne connaît pas ; ou bien, s’il y est initié, alors il est indiscret. Le critique ne doit parler que des œuvres d’un auteur et en parler avec impartialité. Or, Jules Lecomte avait poussé si loin sa partialité qu’il citait inexactement même les phrases de la pièce et les arrangeait à sa guise. Et comme preuve à l’appui, George Sand citait les deux passages incriminés.