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intact le sombre et poétique dernier acte avec cette scène émouvante où, après le monologue de Gabriel-Gabrielle, dont la douleur et le désespoir aboutissent à une indifférence générale, à une apathie absolue, Gabrielle meurt assassinée. Ce dénouement émeut ; il doit satisfaire le spectateur, parce qu’il apparaît comme une nécessité : Gabrielle ne peut plus vivre, elle a vécu tout ce qu’un cœur humain peut supporter, il ne lui reste plus de force. Si ce bravo ne la tuait pas par méprise, elle mourrait quand même, elle attraperait une maladie, un coup de vent l’emporterait, le plus petit ruisseau suffirait pour la noyer, car le souffle de vie, l’esprit qui fait lutter et se défendre, ne l’anime plus. Elle est donc à la merci du moindre hasard. Nous conseillerions beaucoup à l’auteur qui voudrait mettre Gabriel à la scène de ne rien retoucher à ce dernier acte, de ne le point gâter par des arrangements, et nous sommes sûr que tous les spectateurs seront de l’avis de Balzac.

La seconde pièce de George Sand fut un proverbe : Les Mississipiens. Nous avons dit ailleurs[1] quels types incomparables présentent le vieux duc et la marquise de Puymontfort. Ce sont des portraits vivants. C’est au milieu des personnages de ce grand monde à son déclin que s’écoulèrent les premières années d’Aurore Dupin chez son aïeule Marie-Aurore de Saxe, dans son élégant petit salon rue des Mathurins et plus tard rue Thiroux, George Sand prétendit qu’ayant entrepris le prologue des Mississipiens, avec l’intention d’en faire une pièce de théâtre, la donnée lui parut peu convenir à la scène, l’action assez embrouillée se passant au temps de John Law, la passion de l’argent et l’affolement de la spéculation dominaient son sujet plus qu’il ne lui plaisait. Plus tard, cependant, Balzac composa son Mercadet sur une donnée semblable, mais il la modernisa, Mme Sand intitula donc ses Mississipiens « nouvelle dialoguée ». Malgré cette réserve les Mississipiens appartiennent certainement à la littérature dramatique, et nous partageons entièrement l’avis de M. Caro qui prétend que Gabrielle, les Sept cordes de la lyre

  1. George Sand, sa vie, etc., t. Ier, p. 124.