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Sur le soir de mes jours j’ambitionne la crois de la Légion d’honneur. C’est là la faveur suprême que je sollicite de votre magnificence impériale.

En demandant cette récompense, je m’appuie non seulement sur mes services, depuis 1815, au pays et au pouvoir établi, services sans éclat, insuffisants peut-être, mais encore sur les services éminents rendus par mon père depuis 1792 jusqu’au retour de l’île d’Elbe. Bien plus, j’ose encore invoquer des malheurs domestiques qui appartiennent à l’histoire[1]. Marié à Lucile Dupin, connue dans le monde littéraire sous le nom de George Sand, j’ai été cruellement éprouvé dans mes affections d’époux et de père, et j’ai la confiance d’avoir mérité le sympathique intérêt de tous ceux qui ont suivi les événements lugubres qui ont signalé cette partie de mon existence.

Sire, je n’ai plus aujourd’hui à mettre au service de l’Empereur et de la France des lumières et des forces que l’âge, les infirmités et les malheurs m’ont retirées à jamais ; mais je conserve dans le cœur un patriotisme que les années n’ont pas affaibli, et un attachement inaltérable à votre Auguste Personne et à votre dynastie.

C’est dans ces sentiments que j’ai la confiance que Votre Majesté accueillera avec faveur mon humble requête.

J’ai l’honneur d’être, Sire, de Votre Majesté, le très fidèle sujet.

Dudevant.
Barbaste (Lot-et-Garonne), le 16 mai 1869,

Ce curiosissime document apporte sa pointe de comique dans l’histoire des rapports de George Sand avec l’Élysée ; c’est comme une farce jouée après une grande pièce.

Nous avons toutefois tort de faire emploi de ces termes de tréteaux, le seul qui convienne à propos des relations de George Sand avec le promoteur du coup d’État, c’est le mot « tragique ».

Nous nous demandons ce que pouvait faire, à ce moment, une femme contre ce régime établi contre lequel les hommes les plus courageux, les plus belliqueux, étaient impuissants ? Artiste, elle devait s’efforcer, en ces noires années d’abattement général, de poursuivre le culte du Bien, du Bon et du Vrai. Femme, elle sentit avant tout la nécessité d’aider, de secourir, de réconforter,

  1. C’est nous qui soulignons.