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du gouvernement que mes amis ne m’ont point autorisée à accepter, mais comme un acte de justice dont ma conscience peut attester la nécessité morale. Mais, pour moi, si je dois accepter cet acte de justice politique comme une faveur personnelle de M. de Persigny, oh ! je ne demande pas mieux, et c’est de tout mon cœur que je lui en serai personnellement reconnaissante, ainsi qu’à vous, monsieur, qui voudrez bien joindre votre voix à la mienne, j’en suis certaine.

Heureuse d’obtenir de sa confiance en ma parole l’élargissement de mes plus proches voisins, je n’ai pourtant pas renoncé à plaider auprès de lui la cause de mon département tout entier. C’est dans ce but que je me suis permis de l’importuner de ma parole, toujours très gauche et très embarrassée. Priez-le, monsieur, de se souvenir qu’au milieu de mon gâchis naturel, je lui ai posé une question à laquelle il a répondu en homme de cœur et d’intelligence : Poursuivez-vous la pensée ?Non, certes.

Eh bien, parmi les nombreux prisonniers qui sont détenus à Châteauroux et à Issoudun, plusieurs peut-être ont eu la pensée de prendre les armes pour défendre l’Assemblée. Je ne sais pas si elle en valait beaucoup la peine ; mais enfin c’était une conviction sincère de leur part, et, avant que la France se fût prononcée d’une manière imposante pour l’autorité absolue, le gouvernement pouvait considérer ceci comme une lutte ardente à soutenir, mais non comme un crime à châtier de sang-froid. La lutte a cessé ; le gouvernement, à mesure qu’il s’éclairera sur ce qui s’est passé en France depuis les journées de décembre, aura horreur des vengeances personnelles auxquelles la politique a servi de prétexte, et reconnaîtra qu’il est perdu dans l’opinion s’il ne les réprime. Il reconnaîtra aussi que, là où ces vengeances se sont exercées, elles ont eu un double but, celui de satisfaire de vieilles haines et celui de rendre impossible un gouvernement qu’elles trahissaient en feignant de le servir. Je ne nommerai jamais personne à M. de Persigny ; mais il s’éclairera et verra bien.

En attendant, M. le ministre m’a dit qu’il ne punissait pas la pensée, et je prends acte de cette bonne parole, qui m’a ôté tout le scrupule avec lequel je l’abordais. Je ne sais pas douter d’une bonne parole, et c’est dans cette confiance que je lui dis que personne n’est coupable dans le département de l’Indre. Initiée naturellement, par mes opinions et la confiance que l’on m’accorde, à toutes les démarches des républicains, je sais qu’on s’est réuni, en petit nombre, qu’on s’est consulté, qu’on a attendu les nouvelles de Paris, et qu’à celle de l’abstention volontaire du peuple, chacun s’est retiré chez soi en silence. Je sais que, partie de Paris au milieu du combat, je suis venue dire à mes amis : « Le peuple accepte, nous devons accepter ! »

Je ne m’attendais guère à les voir arrêtés par réflexion quinze jours