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j’aurais pu imprimer cette lettre en factum pour vous faire des ennemis, au cas où elle ne serait pas même Lue par vous. Mais, quoi qu’il en arrive, je ne le ferai pas. Il y a des choses sacrées pour moi, et, en vous demandant une entrevue, en allant vers vous avec espoir et confiance, j’ai dû, pour être loyale et satisfaite de moi-même, brûler mes vaisseaux derrière moi et me mettre entièrement à la merci de votre volonté.

George Sand.

L’entrevue avec Napoléon avait dû produire une impression favorable sur la grande romancière, elle crut à la sincérité de ses intentions, — à en juger par plusieurs lettres à ses amis dont nous donnons plus loin des fragments considérables, — et à partir de ce jour elle se mit bravement à intercéder en faveur des républicains poursuivis. Après cette première audience obtenue, elle fit une visite à de Persigny, — ce qui eut lieu probablement dans les derniers jours de janvier — le 30 ou le 31. Elle écrivit plusieurs fois soit directement à M. de Persigny, soit au chef de son cabinet, puis elle envoya plusieurs lettres à Napoléon lui demandant encore audience. Nous devons avouer que c’est avec une admiration vraie que nous avons lu et relu les pages de George Sand adressées au ministre, à son chef de cabinet, de nouveau à Napoléon, au prince Jérôme, et enfin celles où elle raconte à des amis ses entrevues et ses conversations avec tout ce monde. Sa manière d’être, ses paroles, ses lettres sont empreintes du désir d’être secourable à ses amis. Elle sait éloquemment toucher, implorer, et cela avec la sincérité et la franchise les plus parfaites, reconnaissant que ni elle ni ses amis ne renient leurs opinions, qu’elle demeure, comme eux, au fond hostile à Napoléon et à sa politique. Elle écrit à Duvernet :


Paris, 30 janvier 1852.

J’agis, je cours. Ça va bien. J’ai été reçue on ne peut mieux, et des poignées de main de cette dame en veux-tu en voilà ! Demain, je tâcherai de faire régler l’affaire. Le Gaulois[1] et autres de là-bas me désavouent, me défendent de les nommer. Sont-ils bêtes de craindre quelque bêtise

  1. Alphonse Fleury.