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du moins conseil, — Mme Apolline de Villeneuve qui avait tenu sur les font ? de baptême le héros du jour étant à même de lui en donner un bon, — car maintenant c’était George Sand elle-même qui croyait à la possibilité d’un voyage à Lambessa en compagnie de ses émules ; elle voulait donc être fixée sur son sort et priait sa cousine de lui procurer un passeport pour aller à Paris.

…Je puis être emmenée et transportée. Je ne veux pas fuir, pour ne pas éveiller de soupçons injustes. Depuis trois ans, je puis jurer devant Dieu que, sans perdre mon utopie qui, vous le savez, est chrétienne et douce comme mes instincts, je n’ai pas remué un doigt contre la société officielle. J’ai passé tout mon temps à faire de l’art, et à ramener à la raison, à la patience, à la douceur les esprits exaltés que je venais à rencontrer. Ceux que j’ai convertis, on les frappe, on les tue, et moi-même, que bien des gens traitaient de modérée et d’aristocrate, on me menace aussi et on me serre de près. Je ne me plains de rien ; je suis triste, mais non en colère : tout cela est pour moi la volonté de Dieu, et j’accepte toutes les conséquences du courage que j’ai montré…

Elle écrit encore aux mêmes correspondants :

Je n’ai pas eu de relations avec le prince depuis qu’il s’est échappé de Ham. Il n’avait plus besoin de mes lettres pour le distraire et le consoler. Plus il a été riche et puissant personnage, plus je me suis éloignée ; mais je ne l’ai ni attaqué ni diffamé. Sollicitée de publier ses lettres qui auraient prouvé un certain changement de conduite envers les personnes, je les ai brûlées[1]. Je ne veux ni protections, ni places pour les miens, et mon fils, qui n’a rien voulu de la république, ne désire qu’une chose aujourd’hui, c’est qu’on lui laisse sa mère.

J’ai donc écrit au prince pour lui demander une audience dans laquelle je lui exposerai ma conduite et lui demanderai franchement s’il veut m’exiler. Si c’est la transportation, c’est la mort. Je suis dangereusement malade du foie et je ne passerai pas la mer… Si je suis condamnée à mort, moi, l’être le plus inoffensif de la terre, en pensées, paroles et actions, moi, qui n’ai jamais fait la guerre qu’à des idées,

  1. Il est permis de douter de l’exactitude de cette dernière assertion quoique effectivement nous n’avons pu retrouver que les quatre ou cinq lettres de Napoléon III, mais d’une part M. Armand Dayot avait, lors de l’impression dans le Figaro des trois lettres que nous avons données plus haut, déclaré que « cette correspondance paraîtrait un jour », et d’autre part George Sand avait jadis cru et déclaré, aussi, « avoir brûlé » les lettres d’Alfred de Musset — et elles ont paru !