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œuvre de l’illustre femme, son nom revient constamment sous sa plume à tout propos : « George Sand aurait à cette occasion fait ceci », dit-il, « George Sand a envisagé cela ainsi ». Ces renvois constants à George Sand sont trop connus pour que nous nous y arrêtions. Mais, ce qu’on ignore absolument, c’est que Herzen s’adressa à Mme Sand pour avoir son jugement sur une affaire toute personnelle. Nous avons copié quelques lettres inédites de Bakounine, de Herzen, et d’autres émigrés qui furent mêlés aux deux épisodes les plus intéressants de ces relations de l’illustre femme et de ces deux grands exilés.

George Sand connut Bakounine dès 1844[1], c’est-à-dire à l’époque où Louis Blanc et ses amis se mirent à la tête de la Réforme, dont Bakounine fut aussi l’un des collaborateurs.

Nous n’avons pas de documents se rapportant à ces toutes premières années des relations entre George Sand et Bakounine, mais il est à croire qu’elles furent très amicales, car lorsqu’à la fin de 1847, à la veille même de la révolution de 1848, Bakounine fut, sur les instances de l’ambassadeur russe, le comte Kisselew, banni de France, il adressa à George Sand la lettre suivante que nous copions sur l’autographe :


Madame,

Profitant de la permission que vous avez bien voulu m’accorder en partant, je prends la liberté de vous adresser un petit discours que j’ai prononcé dans une réunion polonaise. C’est bien peu de chose sous le rapport littéraire, mais je regarde cette première manifestation comme le commencement sérieux d’une œuvre bonne et grande, d’une action que je ne crois pas seulement possible, mais nécessaire, inévitable, et c’est uniquement à ce titre que je la soumets à votre jugement. J’espère, madame, que vous avez foi dans la sincérité de mes intentions, et que vous me pardonnerez la pauvreté ainsi que les fautes

  1. Arnold Ruge, républicain allemand fort connu, dit dans ses Souvenirs de Bakounine (Neue Freie Presse de 1878) que ce fut lui, Ruge, qui avait présenté Bakounine à George Sand ainsi qu’à Chopin.