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soit membre du gouvernement provisoire ou maire de Nohant-Vic, trouve la résistance, la réaction, la haine, la menace. Est-ce possible autrement, et aurions-nous grand mérite à être révolutionnaires si Bout allait de soi-même, et si nous n’avions qu’à vouloir pour réussir ? Non, nous sommes et nous serons peut-être toujours dans un combat obstiné.

Ai-je vécu autrement, depuis que j’existe, et avons-nous pu croire que trois jours de combat dans la rue donneraient à notre idée un règne tans trouble, sans obstacle et sans péril ? Nous sommes sur la brèche à Paris comme à Nohant. La contre-révolution est sous le chaume comme sous le marbre des palais. Allons toujours ! Ne t’irrite pas, tiens ferme, et surtout habitue tes nerfs à cet état de lutte qui deviendra bientôt un état normal. Tu sais bien qu’on s’accoutume à dormir dans le bruit. Il ne faut jamais croire que nous pourrons nous arrêter. Pourvu que nous marchions en avant, voilà notre victoire et notre repos…

Et quoique les deux lettres, l’inédite du 20 avril et la publiée du 21, se terminent, l’une par l’assurance que Mme Sand « allait se coucher pour aller demain matin au grand défilé de trente mille hommes armés de la garde nationale et de la ligne », par le regret que Maurice « n’avait pas vu les Montagnards de Caussidière, une garde urbaine superbe », et par le conseil de s’arranger de manière à pouvoir venir à l’ouverture de l’Assemblée, à Paris, et l’autre, par la description brève, mais exultante de la Fête de la Fraternité, du coup d’œil grandiose du haut de l’Arc de Triomphe, de l’illumination splendide, de la foule enthousiaste fraternisant avec l’armée, etc… on y sent derrière cette foi optimiste en la victoire du peuple, comme un vague pressentiment de luttes prochaines, un besoin de cacher à ses propres yeux, par la beauté du spectacle, la réalité alarmante.

Sa lettre du 23 avril accentue encore cette note inquiète :

Au citoyen Maurice Sand, à Nohant.
Paris, 23 avril 1848.

Arrive donc, mon Bouli, puisque tu n’y tiens plus. Tu ne trouveras pas mieux ici, car le moment des élections a fait éclater les rancunes, les propos, les haines, les ruptures que la fête du 20 avait endormies.