Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T3.djvu/98

Cette page n’a pas encore été corrigée

Après ces mots viennent les lignes omises dans le volume de la Correspondance :

Cela dépendra un peu de la santé de Chopin qui est meilleure depuis ma dernière lettre, mais qui a encore besoin de l’influence d’un climat doux. Cette influence ne se fait pas sentir vite à une santé aussi délabrée.

Maurice, Solange, tous deux travaillent avec moi six heures par jour. La nuit, j’écris Lélia, qui sera un ouvrage à peu près transformé. Êtes-vous contente de la fin de Spiridion ?

Dans ses Souvenirs de Majorque, tout comme dans ses lettres privées, Mme Sand se plaint amèrement (et souvent avec quelque exagération et en noircissant le tableau)[1] de l’animosité des insulaires pour les étrangers, de l’ignorance crasse et du barbare égoïsme de cette population parmi laquelle il lui fallut vivre toute seule, avec deux enfants et un malade, sans l’assistance ou l’aide sympathique de qui que ce fût[2].

Nous y trouvons à ce propos des lignes indignées qui ne sont qu’une paraphrase de la doctrine de Leroux sur la solidarité des humains. Puis Mme Sand revient à l’exposition des faits réels de leur séjour à Valdemosa :

… Nous étions donc seuls à Majorque, aussi seuls que dans un désert ; et quand la subsistance de chaque jour était conquise, moyennant la guerre aux singes, nous nous asseyions en famille, pour en rire, autour du poêle. Mais, à mesure que l’hiver avançait, la tristesse paralysait dans mon sein les efforts de gaieté et de sérénité. L’état de notre malade empirait toujours, le vent pleurait dans le ravin, la pluie battait nos vitres, la voix du tonnerre perçait nos épaisses murailles et venait jeter sa note lugubre au milieu des rires et des jeux des enfants. Les aigles et les vautours, enhardis par le brouillard, venaient dévorer nos pauvres passereaux jusque sur le grenadier qui remplissait ma fenêtre. La mer furieuse retenait les embarcations dans les ports ; nous nous sentions prisonniers, loin de tout secours éclairé et de toute sympathie efficace. La mort semblait planer sur nos têtes pour s’emparer de l’un de nous, et nous étions seuls à lui disputer sa proie. Il

  1. Cela a été assez judicieusement remarqué par M. H. Bidou dans son article « la Chartreuse de Valdemosa », paru dans le Supplément du Journal des Débats du 1er juillet 1904. Mais l’auteur est toutefois trop sévère et fort peu aimable pour la grande romancière.
  2. Un hiver à Majorque, p. 157-159-161.