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niennes que Mme Sand, qui croyait qu’il ne s’agissait pas de phtisie, eut à son tour raison lorsqu’elle protesta contre l’application de leur système. Ce système qui, de nos jours, semble contraire à tout bon sens, était alors pratiqué avec le même zèle en cas de congestion, de phtisie pulmonaire, du typhus ou de n’importe quoi ! Nous parlons de saignées.

L’état physique de Chopin à part, son état moral alarmait et attristait beaucoup Mme Sand. Tout le milieu ambiant — si attrayant et bienfaisant qu’il fût pour Chopin artiste — n’était nullement propice et devint même pernicieux pour l’homme. La solitude complète, le mauvais temps qui privait Valdemosa de toute communication avec le monde des vivants, l’absence de tout confort si habituel et si indispensable à Chopin et enfin ce^même romantisme lugubre de la chartreuse en décombres, qui inspira à Chopin ses œuvres les plus exquises, tout cela produisit sur les nerfs du malade l’effet le plus déprimant. Les lettres de Chopin et de George Sand, l’Hiver à Majorque et l’Histoire de ma vie nous renseignent sur les conditions pénibles de leur existence physique et morale et sur le caractère éminemment particulier de l’être intime de Chopin. Le 28 décembre déjà, dans cette même lettre dont nous avons cité le commencement, Chopin traçait en ces termes le désaccord existant entre la « divine nature » de Majorque et les conditions peu sympathiques du séjour en cette île :

La divine nature, c’est certainement bien beau, mais il faudrait ne pas avoir affaire aux hommes, ni à la poste, ni aux chemins. Bien souvent j’ai fait le trajet de Palma ici, chaque fois avec le même cocher, mais chaque fois par une autre route. L’eau tombant des montagnes trace une route, une averse la détruit ; aujourd’hui, il est impossible de passer là où toujours il y avait un chemin, car à présent il y a un champ cultivé, et là où un équipage passait parfaitement hier, on ne pourrait passer ce matin qu’à dos de mulet. Et quels véhicules que ces équipages ! Voilà la raison, cher Jules, pourquoi il n’y a ici pas un seul Anglais, pas un consul… La lune est merveilleuse ce soir. Jamais je ne l’ai vue plus belle…

La nature ici est bienfaisante, mais les hommes pillards. Ils ne