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On arriva enfin à la chartreuse bâtie presque sur la crête de la chaîne de Valdemosa, de sorte que le magnifique panorama, qui s’ouvrait sur les deux versants, se terminait des deux côtés de l’horizon par la « bande d’argent » de la mer. Cette chartreuse, abandonnée par les moines après l’édit de 1836 et appartenant au gouvernement, était pour le moment à la disposition de tous ceux qui avaient le désir de la louer pour y vivre au milieu de l’air montagnard. C’était un curieux amas de constructions pittoresques élevées à diverses époques et qui charmèrent Chopin, tout comme George Sand, par leur parfait romantisme fantaisiste. Cet « assemblage de bâtiments », dit Mme Sand, « suffirait à loger un corps d’armée ». Outre l’habitation du supérieur, les cellules des frères convers, celle des visiteurs ou des personnes faisant des retraites, les étables et autres constructions de ce genre, la chartreuse se composait de trois cloîtres proprement dits, entourés d’une galerie sur laquelle donnaient les cellules des frères ; ces trois cloîtres dataient de trois époques différentes. Le plus vieux et le plus petit était aussi le plus intéressant sous le rapport artistique. Au milieu de ce cloître du quinzième siècle, entouré d’une galerie aux fenêtres gothiques garnies de plantes grimpantes, se trouvait l’antique cimetière des chartreux. Les tombes creusées par chaque chartreux se distinguaient à peine sous l’herbe épaisse. Ni monuments, ni inscriptions. Quelques sombres cyprès entourant une grande croix en bois blanc ; un petit puits à galbe ogival, un vieux laurier et un palmier nain, poussés au milieu de l’aire, — tout cela donnait à ce lieu de repos éternel, surtout au clair de lune, un caractère éminemment poétique. Les petites cellules sombres, qui entouraient le cloître, étaient toujours hermétiquement fermées : le sacristain resté à la chartreuse ne permettait jamais d’y pénétrer, et ce n’est que par les fentes des portes qu’on pouvait se convaincre que ces pièces étaient bourrées de vieux meubles et d’objets en bois sculpté.

Le cloître nouveau, symétriquement planté de buis taillés, était fermé d’un côté par les cellules, des deux côtés parallèles