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flatte d’avoir un jour des mollets ; moi, je travaillerai et j’instruirai mes enfants, dont heureusement les leçons, jusqu’ici, n’ont pas trop souffert. Ils sont très studieux avec moi. Solange est presque toujours charmante depuis qu’elle a eu le mal de mer ; Maurice prétend qu’elle a rendu tout son venin.

Tous ces ennuis, sérieux et minimes, auraient donc été supportables, mais l’arrivée de l’hiver indigène et des pluies tropicales rendirent le séjour de Son Vent absolument impossible et ruinèrent complètement la santé déjà chancelante de Chopin. Une belle nuit creva une averse dans le genre de celles qui obligèrent Noé à construire son arche, et le lendemain tout à l’entour était inondé et méconnaissable, les pauvres voyageurs n’habitant point une arche sûre, eurent aussi leur part du déluge.

… La maison du Vent (Son Vent en patois), c’est le nom de la villa que le senor Gomez avait louée, devint inhabitable. Les murs en étaient si minces que la chaux dont nos chambres étaient crépies se gonflait comme une éponge. Jamais, pour mon compte, je n’ai tant souffert du froid, quoiqu’il ne fît pas très froid, en réalité : mais, pour nous, qui sommes habitués à nous chauffer en hiver, cette maison sans cheminée était sur nos épaules comme un manteau de glace, et je me sentais paralysée.

Nous ne pouvions nous habituer à l’odeur asphyxiante des braseros, et notre malade commença à souffrir et à tousser. De ce moment, nous devînmes un objet d’horreur et d’épouvante pour la population…

C’est que les Majorquins, devançant de plus d’un demi-siècle Koch et son « bâtonnet », considéraient fort judicieusement la phtisie comme contagieuse, ce qui semblait à George Sand le comble de l’ignorance, des préjugés et de l’égoïsme, le manque absolu de cette « vertu sociale », que les adeptes de Leroux plaçaient à la base de toute morale. Dès qu’on apprit que Chopin était atteint de la poitrine, tout le monde évita nos voyageurs, et le propriétaire de la villa, le senor Gomez, exigea qu’ils quittassent immédiatement sa demeure après avoir préalablement payé pour le replâtrage et le reblanchissage de ladite et acquis