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fique, pour cinquante francs par mois. De plus, j’ai à deux lieues de là une cellule, c’est-à-dire trois pièces et un jardin plein d’oranges et de citrons, pour trente-cinq francs par an, dans la grande chartreuse de Valdemosa.

Valdemosa bipède vous expliquera ce que c’est que Valdemosa chartreuse ; ce serait trop long à vous décrire.

C’est la poésie, c’est la solitude, c’est tout ce qu’il y a de plus artiste, de plus chiqué sous le ciel ; et quel ciel ! quel pays ! nous sommes dans le ravissement…


Puis Mme Sand ne dit que quelques mots en passant sur les ennuis d’installation, pour revenir tout aussitôt aux délices de sa vie nouvelle :

Valdemosa, en nous parlant des facilités et du bien-être de son pays, nous a horriblement blagués. Mais la nature, les arbres, le ciel, la mer, les monuments dépassent tous mes rêves : c’est la terre promise, et, comme nous avons réussi à nous caser assez bien, nous sommes enchantés[1].

Cette page est tronquée dans la Correspondance, elle continue ainsi dans la lettre autographe :

Nous nous portons très bien, Chopin a fait hier trois lieues à pied avec Maurice et nous sur des cailloux tranchants. Tous deux ne se portent que mieux aujourd’hui. Solange et moi engraissons à faire peur, mais non pitié.

Puis viennent les lignes imprimées à la page 113 du volume II de la Correspondance :

Enfin, notre voyage a été le plus heureux et le plus agréable du monde ; et, comme je l’avais calculé avec Manoël, je n’ai pas dépensé quinze cents francs depuis mon départ de Paris jusqu’ici. Les gens de ce pays sont excellents et très ennuyeux. Cependant le beau-frère et la sœur de Valdemosa sont charmants et le consul de France est un excellent garçon qui s’est mis en quatre pour nous…

Mais bientôt cette humeur allègre changea. D’abord ce fut la santé de Chopin qui prit de nouveau une mauvaise tournure.

  1. Corresp., t, II, p. 112.