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comme tout ici, rappelle l’Afrique… Bref, une vie délicieuse[1] !

Mon cher Jules, va chez Pleyel, car le piano n’est pas encore arrivé. Par quelle voie l’a-t-on expédié ? Tu recevras bientôt les Préludes. Je vivrai probablement dans une ravissante chartreuse, dans le pays le plus beau du monde ; la mer, des montagnes, des palmiers, un cimetière, une église des Croisés, une ruine de mosquée, des oliviers millénaires !… À présent, cher ami, je jouis un peu plus de la vie ; je suis tout près de ce qui est le plus beau du monde, je suis un homme meilleur. Donne les lettres de mes parents à Grzymala, ainsi que tout ce que tu as à m’envoyer ; il connaît l’adresse la plus exacte. Embrasse Jeannot[2]. Comme il aurait guéri ici ! Fais savoir à Pleyel qu’il aura bientôt le manuscrit. Parle peu de moi aux connaissances. Je t’écrirai bientôt beaucoup… Dis que je reviendrai à la fin d’hiver. Le courrier ne part d’ici qu’une fois par semaine. Je t’écris par le consul français. Envoie la lettre ci-incluse, telle que, à mes parents. Porte-la toi-même à la poste. — Ton Chopin.

George Sand de son côté écrivait la veille, le 14 novembre, à Boucoiran[3] :

À M. Jules Boucoiran, rue de l’Aspic, Nîmes.
Palma de Mallorca, 14 novembre 1838.

Bonjour, cher enfant, nous allons bien, nous sommes installés ici, enchantés du pays et très bien portants. Écrivez-nous et aimez-nous. Nous vous avons écrit de Port-Vendres, j’espère que vous avez reçu la lettre… Nous sommes sens dessus dessous, aujourd’hui nous faisons des emplettes et le courrier va partir…

Elle écrit à Mme Marliani, à la même date :

Palma de Mallorca, 14 novembre 1838.
Chère amie,

Je vous écris en courant ; je quitte la ville et vais m’installer à la campagne : j’ai une jolie maison meublée, avec jardin et site magni-

  1. Nous restituons le texte de cette lettre d’après Hœsick. Karasowski l’avait complètement dénaturée et changée dans son livre.
  2. Jean Matuszinski, l’un des trois amis les plus intimes de Chopin, médecin de profession. Chopin et lui occupèrent, pendant un certain temps, un appartement commun à Paris. Il mourut le 20 avril 1842.
  3. Inédite.