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selon que l’heure nous favorisera pour aller plus ou moins loin par eau…[1].

Effectivement, en octobre 1838, George Sand quitta Paris, accompagnée de ses deux enfants et d’une bonne, et munie de nombreuses lettres de recommandation venant de personnages officiels, de permis de douane et force autres paperasses, car, dit-elle :

… il faut faire mousser mon importance, qui est, du reste, bien établie par les papiers dont je suis munie. En province, les protections siéent bien aux pauvres diables de voyageurs. Elles aplanissent les obstacles et donnent zèle et confiance aux administrations…[2].

Mme Sand s’arrêta d’abord au Plessy pour faire une visite au « papa James » et à la « maman Angèle » avec leur progéniture, puis elle se dirigea sur Lyon et Avignon, où elle arriva au jour fixé. De là elle fit une petite échappée à Vaucluse — hommage à la mémoire de Pétrarque — et enfin elle partit à Nîmes, où elle fut reçue à bras ouverts par le fidèle Jules Boucoiran. Dès Lyon elle avait prévenu ce vieil ami de s’occuper surtout de la « faire immédiatement repartir », afin de ne pas manquer au rendez-vous avec Mendizabal à la frontière d’Espagne :

Ne vous occupez pas de me faire arriver (je ne sais si je quitterai le bateau à Beaucaire ou à Avignon, cela dépendra des heures), mais occupez-vous, dès à présent, de me faire repartir. Il faut que je sois à Perpignan le 29 au soir ou le 30 au matin… J’ai pris rendez-vous à Perpignan avec Mendizabal, ministre d’Espagne…[3].

Il ne s’agissait toutefois nullement de Mendizabal, mais bien de Chopin, avec lequel il était convenu qu’on se rencontrerait à Perpignan ; George Sand lui promit même de l’y attendre pendant quelques jours, et de n’en repartir que s’il n’arrivait

  1. Inédite.
  2. Lettre à Jules Boucoiran, datée du 23 octobre 1838, de Lyon. (Corr., t. II.)
  3. Même lettre à Boucoiran du 23 octobre 1838.