Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T3.djvu/73

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

n’est point à chercher dans ces maladies, — dont George Sand parle dans l’Histoire de ma vie, écrite et publiée bien des années plus tard, — mais dans le désir de vivre pendant quelque temps dans une solitude absolue, comme le laissent voir les lignes suivantes de ses souvenirs de voyage parus peu de temps après le retour en France sous le titre de : Un hiver au midi de l’Europe ; Majorque et les Majorquins[1] :

… Mais puisque vous n’entendez rien à la peinture, me dira-t-on, que diable alliez-vous faire sur cette maudite galère ?… Je dirai donc sans façon à mon lecteur pourquoi j’allai dans cette galère, et le voici en deux mots : c’est que j’avais envie de voyager[2]

Mais outre cette simple raison de « voyager pour voyager », nous pouvons trouver dans ces Souvenirs autre chose encore. Après avoir déclaré que, comme nous sommes tous adonnés à la poursuite de quelque idéal, de l’inconnu, du non éprouvé, du mieux, dans ce monde qui marche si mal, comme nous cherchons tous, en dehors de notre vie ordinaire, des oasis où nous réfugier de temps à autre, ces oasis étant les sciences, l’art, mais surtout et avant tout les voyages,

… nous tous, dit George Sand, heureux et malheureux, oisifs et nouveaux mariés, amants et hypocondriaques, nous rêvons tous de quelque asile poétique, tous nous nous en allons chercher quelque nid pour aimer ou quelque gîte pour mourir

Au fond, si l’humanité était parvenue au bonheur, — elle aurait deux vies, — l’une sédentaire, vie d’étude, de travail, l’autre active et errante, vie de commerce avec le plus grand

  1. Ces souvenirs de voyage parurent dans la Revue des Deux Mondes de 1841, puis en volume. Dans l’édition de Lévy, ils sont simplement intitulés : Un hiver à Majorque. Ils furent dédiés à François Rollinat, et cette dédicace est écrite sous forme d’une Lettre d’un ex-voyageur à son ami sédentaire. La seconde préface, intitulée Notice, fut écrite pour l’édition de 1855, et George Sand y répond encore à la question : « Pourquoi voyager quand on n’y est pas forcé ?… » par les mots suivants : « C’est qu’il ne s’agit pas tant de voyager que de partir : quel est celui de nous qui n’a pas quelque douleur à distraire ou quelque joug à secouer ?… »
  2. Voyage à Majorque, p, 26.