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commission dont il les chargeait. Il n’est pas étonnant que cet été il écrivit moins que jamais à qui que ce fût. Il est déjà prouvé que les lettres que Karasowski prétendit datées de cette année — 1838 — se rapportent à 1841, on n’apprend donc rien par ces lettres sur l’été de 1838[1]. George Sand fut aussi, contrairement à son habitude, très avare de ses missives, et dans celles qui existent elle parle très peu d’elle-même. Les peuples heureux n’ont pas d’histoire.

Mais l’automne arriva et le spectre d’une séparation se dressa à l’horizon jusqu’alors sans nuages. Chopin devait rester à Paris où le réclamaient ses leçons. George Sand devait rentrer à Nohant pour tout l’hiver. Rester à Paris tous les deux, c’était afficher leur liaison, ce qui semblait inadmissible à Chopin. D’autre part, Mme Sand ne pouvait faire que de courtes échappées à Paris, où elle n’avait pas même de pied-à-terre fixe à ce moment. Et puis la santé de Chopin, fort éprouvée par l’influenza qu’il avait supportée l’hiver précédent (1837-1838), n’était nullement bonne. Il toussait beaucoup et tous ses amis, à l’exception de Grzymala qui savait combien lui était pénible et presque insupportable chaque infraction à son règlement de vie et de confort accoutumé, lui conseillaient d’aller faire un séjour dans le Midi. On ne sait s’il se fût décidé ou non à quitter ses chères habitudes parisiennes et à hasarder un voyage avec tous ses désordres tant abhorrés, ou plutôt s’il eût même jamais eu l’idée de consulter là-dessus les médecins, si… si George Sand, en ce même moment, ne se fût aussi décidée à aller en Italie, parce que Maurice souffrait de rhumatismes et que les médecins lui avaient ordonné de passer l’hiver dans un climat doux et l’été dans un climat frais (comme nous l’avons déjà dit)[2]. Il est très probable que la raison principale de ce départ

  1. Ferd. Hœsick dans son article « Chopin et Fontana » (Biblioth. Warszawska de juillet 1899) ne se borne pas à restituer le texte des lettres de Chopin à Fontana arbitrairement changées et tronquées par Karasowski, mais encore il réussit par des raisonnements irrécusables à constater que toutes ces lettres sont postérieures à 1838. Voir à ce sujet plus loin.
  2. Cf. George Sand, sa vie et ses œuvres, t. II, p. 457-458, et le présent volume, p. 23.